viernes, 22 de diciembre de 2017

Joseph de Maistre: La ley de la guerra

Este año se han cumplido los 150 años de la muerte de Charles Baudelaire. En su homenaje, Ediciones De La Mirándola acaba de publicar Querida madre. Cartas a Madame Aupick 1860-1866, volumen que, sumado al anterior Querida mamá. Cartas a la madre 1834-1859,  completa la edición integral, primera en lengua española, de las cartas que, durante largos años, Baudelaire escribió a su madre, principal confidente y sostén inconmovible de su breve y atormentada viva. Ambos volúmenes constituyen, en su conjunto, un testimonio indispensable para conocer más a fondo la singular aventura vital y espiritual del poeta. "De Maistre y Edgar Poe me enseñaron a razonar", dijo, memorablemente, Baudelaire. Ver también, a propósito del primero, la carta a Alphonse Toussenel. Las dos últimas entradas de este 2017 están dedicadas a estas dos grandes admiraciones de Baudelaire.

 LA LOI DE LA GUERRE

Dans le vaste domaine de la nature vivante, il règne une violence manifeste, une espèce de rage prescrite qui arme tous les êtres in mutua funera : dès que vous sortez du règne insensible, vous trouvez le décret de la mort violente écrit sur les frontières mêmes de la vie. Déjà, dans le règne végétal, on commence à sentir la loi : depuis l'immense catalpa jusqu'au plus humble graminée, combien de plantes meurent, et combien sont tuées ! mais, dès que vous entrez dans le règne animal, la loi prend tout à coup une épouvantable évidence. Une force, à la fois cachée et palpable, se montre continuellement occupée à mettre à découvert le principe de la vie par des moyens violents. Dans chaque grande division de l'espèce animale, elle a choisi un certain nombre d'animaux qu'elle a chargés de dévorer les autres : ainsi, il y a des insectes de proie, des reptiles de proie, des oiseaux de proie, des poissons de proie, et des quadrupèdes de proie. Il n'y a pas un instant de la durée où l'être vivant ne soit dévoré par un autre. Au-dessus de ces nombreuses races d'animaux est placé l'homme, dont la main destructrice n'épargne rien de ce qui vit ; il tue pour se nourrir, il tue pour se vêtir, il tue pour se parer, il tue pour attaquer, il tue pour se défendre, il tue pour s'instruire, il tue pour s'amuser, il tue pour tuer : roi superbe et terrible, il a besoin de tout, et rien ne lui résiste. Il sait combien la tête du requin ou du cachalot lui fournira de barriques d'huile ; son épingle déliée pique sur le carton des musées l'élégant papillon qu'il a saisi au vol sur le sommet du Mont-Blanc ou du Chimboraço ; il empaille le crocodile, il embaume le colibri ; à son ordre, le serpent à sonnettes vient mourir dans la liqueur conservatrice qui doit le montrer intact aux yeux d'une longue suite d'observateurs. Le cheval qui porte son maître à la chasse du tigre, se pavane sous la peau de ce même animal ; l'homme demande tout à la fois, à l'agneau ses entrailles pour faire résonner une harpe ; à la baleine ses fanons pour soutenir le corset de la jeune vierge ; au loup, sa dent le plus meurtrière pour polir les ouvrages légers de l'art ; à l'éléphant ses défenses pour façonner le jouet d'un enfant : ses tables sont couvertes de cadavres. Le philosophe peut même découvrir comment le carnage permanent est prévu et ordonné dans le grand tout. Mais cette loi s'arrête-t-elle à l'homme ? non sans doute. Cependant quel être exterminera celui qui les exterminera tous ? Lui. C'est l'homme qui est chargé d'égorger l'homme. Mais comment pourra-t-il accomplir la loi, lui qui est un être moral et miséricordieux : lui qui est né pour aimer ; lui qui pleure sur les autres comme sur lui-même ; qui trouve du plaisir à pleurer, et qui finit par inventer des fictions pour se faire pleurer ; lui enfin à qui il a été déclaré qu'on redemandera jusqu'à la dernière goutte de sang qu'il aura versé injustement[1] ? C'est la guerre qui accomplira le décret. N'entendez-vous pas la terre qui crie et demande du sang ? Le sang des animaux ne lui suffit pas, ni même celui des coupables versé par le glaive des lois. Si la justice humaine les frappait tous, il n'y aurait point de guerre ; mais elle ne saurait en atteindre qu'un petit nombre, et souvent même elle les épargne, sans se douter que sa féroce humanité contribue à nécessiter la guerre, si, dans le même temps surtout, un autre aveuglement, non moins stupide et non moins funeste, travaillait à éteindre l'expiation dans le monde. La terre n'a pas crié en vain : la guerre s'allume. L'homme, saisi tout à coup d'une fureur divine, étrangère à la haine et à la colère, s'avance sur le champ de bataille sans savoir ce qu'il veut ni même ce qu'il fait. Qu'est-ce donc que cette terrible énigme ? Rien n'est plus contraire à sa nature ; et rien ne lui répugne moins : il fait avec enthousiasme ce qu'il a en horreur. N'avez-vous jamais remarqué que, sur le champ de bataille, l'homme ne désobéit jamais ? il pourra bien massacrer Nerva ou Henri IV ; mais le plus abominable tyran, le plus insolent boucher de chair humaine n'entendra jamais là : Nous ne voulons plus vous servir. Une révolte sur le champ de bataille, un accord pour s'embrasser en reniant un tyran, est un phénomène qui ne se présente pas à ma mémoire. Rien ne résiste, rien ne peut résister à la force qui traîne l'homme au combat ; innocent meurtrier, instrument passif d'une main redoutable, il se plonge tête baissée dans l'abîme qu'il a creusé lui-même ; il reçoit la mort sans ce douter que c'est lui qui a fait la mort[2].

Ainsi s'accomplit sans cesse, depuis le ciron jusqu'à l'homme, la grande loi de la destruction violente des êtres vivants. La terre entière, continuellement imbibée de sang, n'est qu'un autel immense où tout ce qui vit doit être immolé sans fin, sans mesure, sans relâche, jusqu'à la consommation des choses, jusqu'à l'extinction du mal, jusqu'à la mort de la mort[3].

Les Soirées de Saint-Pétersbourg, Septième entretien.

Notes :
[1] Gen., IX, 5.
[2] Infixae sunt gentes in interitum quem fecerunt. (Ps. IX, 16.)
[3] Car le dernier ennemi qui doit être détruit, c'est la mort. (S. Paul aux Cor. I, 15, 26.)

LA LEY DE LA GUERRA

En el vasto dominio de la naturaleza viviente, reina una violencia manifiesta, una especie de furor prescrito, que arma a todos los seres, in mutua funera[1]: en cuanto salimos del reino insensible, nos encontramos con el decreto de la muerte violenta, escrito en las fronteras mismas de la vida. Ya en el reino vegetal se comienza a sentir la ley: desde el inmenso catalpa hasta la más humilde de la gramíneas, ¡cuántas plantas mueren, y a cuantas se las mata! Pero en cuanto se entra en el reino animal, la ley toma enseguida una espantosa evidencia. Una fuerza, a la vez oculta y palpable, se muestra continuamente ocupada en dejar al descubierto el principio de la vida por medios violentos. En cada gran división de la especie animal, aquélla ha elegido un cierto número de animales a los que ha encargado de devorar a los demás: es así como hay insectos de presa, reptiles de presa, pájaros de presa, peces de presa y cuadrúpedos de presa. No hay un instante del tiempo en que un ser viviente no sea devorado por otro. Por encima de esas numerosas razas de animales está colocado el hombre, cuya mano destructora no perdona nada de cuanto vive; mata para alimentarse, mata para vestirse, mata para engalanarse, mata para atacar, mata para defenderse, mata para instruirse, mata para divertirse, mata por matar; rey soberbio y terrible, necesita de todo y nada le resiste. Sabe cuántos toneles de aceite le proporcionará la cabeza del tiburón o de la ballena; su fino alfiler clava en el cartón de los museos la elegante mariposa que ha cazado al vuelo en la cima del Mont-Blanc o del Chimborazo; embalsama el cocodrilo; embalsama el colibrí; cuando lo ordena, la serpiente de cascabel va a morir en el líquido conservante que debe mostrarla intacta a los ojos de una larga serie de observadores. El caballo que lleva a su dueño a la caza del tigre, se pavonea bajo la piel de ese mismo animal; el hombre exige, a la vez, al cordero sus entrañas para hacer resonar un arpa; a la ballena sus barbas para armar el corsé de la joven doncella; al lobo su diente más mortífero para pulir las obras ligeras del arte; al elefante sus colmillos para moldear el juguete de un niño: sus mesas están cubiertas de cadáveres. El filósofo puede incluso descubrir de qué modo la matanza permanente está prevista y ordenada en la totalidad de las cosas. ¿Pero esta ley sólo rige para el hombre? Sin duda, no. Entonces, ¿qué ser exterminará al que los exterminará a todos? Él mismo. Es el hombre el que está encargado de matar al hombre. ¿Pero cómo podrá ejecutar esta ley, él que es un ser moral y compasivo; él que ha nacido para amar; él que llora por los demás como por sí mismo, que encuentra placer en llorar y que acaba por inventar ficciones para que lloren por él; él, en fin, a quien se le ha declarado que tendrá que responder hasta por la última gota de sangre que haya derramado injustamente?[2] Es la guerra la que ejecutará el decreto. ¿No oyen ustedes la tierra que grita y pide sangre? La sangre de los animales no le basta, ni siquiera la de los culpables vertida por la espada de las leyes. Si la justicia humana los castigase a todos, no habría guerras; pero solamente es capaz de alcanzar a un pequeño número, e incluso a menudo los perdona, sin sospechar que su feroz humanidad contribuye a hacer necesaria la guerra, sobre todo si, al mismo tiempo, otra ceguera, no menos estúpida y no menos funesta, trabaja para acabar con la expiación en el mundo. La tierra no ha gritado en vano: la guerra estalla. El hombre, inflamado de repente con un furor divino, ajeno al odio y a la cólera, se arroja al campo de batalla sin saber lo que quiere, ni siquiera lo que hace. ¿Qué significa, pues, este terrible enigma? Nada hay más contrario a su naturaleza, y nada le repugna menos: hace con entusiasmo lo que lo horroriza. ¿No han notado ustedes alguna vez que en el campo de batalla el hombre no desobedece jamás? Podrá muy bien asesinar a Nerva o a Enrique IV; pero el más abominable tirano, el más insolente carnicero de carne humana, no oirá jamás allá: Ya no queremos servirte. Una rebelión en el campo de batalla, un acuerdo para hacer las paces renegando del tirano, es un fenómeno que no se presenta a mi memoria. Nada resiste, nada puede resistir a la fuerza que arrastra al hombre al combate; inocente asesino, instrumento pasivo de una mano terrible, se arroja de cabeza en el abismo que él mismo ha abierto; recibe la muerte sin sospechar que es él mismo quien ha hecho la muerte.[3]


Así se cumple sin cesar, desde el insecto minúsculo hasta el hombre, la gran ley de la destrucción violenta de los seres vivientes. La tierra entera, continuamente empapada de sangre, no es más que un altar inmenso donde todo lo que vive debe ser inmolado sin fin, sin medida, sin descanso, hasta la consumación de las cosas, hasta la extinción del mal, hasta la muerte de la muerte.[4]

 Traducción para Literatura & Traducciones, de  Miguel Ángel Frontán.

Notas:
[1] Posible reminiscencia de un verso de la Eneida: Jam gravis aequabat luctus et mutua Mavors / Funera. Ya el terrible Marte tornaba iguales para ambas partes los duelos y las muertes.
[2] Génesis IX 5.
[3] Infixae sunt gentes in interitum quem fecerunt. (Ps. IX, 16.) “Las gentes que me perseguían han quedado sumidas en la perdición que habían preparado contra mí”  (traducción de Torres Amat).
[4] 1 Corintios XV 26. “Y el postrer enemigo que será deshecho, será la muerte” (Versión Reina-Valera).