JHON EL TOREADOR
a G. Jean-Aubry.
Así he llamado al activísimo diablito que, en todas las obras de todas
las literaturas, se divierte en corromper y desfigurar las frases y las citas
en idiomas extranjeros. Fue él quien osó soplarle a Shakespeare las frases pseudofrancesas
que pronuncian sus Monsieurs. Fue él
quien introdujo tantas faltas de gramática y ortografía en las citas españolas
de The Bible in Spain, de George
Borrow. Es él quien le hace decir a cierto autor francés, con un aplomo
admirable, que después quiere decir
"lentamente", y quien les hace escribir a otros diálogos de este
tipo: "Esta tarda, constata don
Gonzalès, io soy muy mas alegro che
antayer".
"Ollé! Ollé!" exclamó alegremente la Segnorita Sacramenta.
"Ollé!": es él mismo, Jhon el toreador, quien lanza este grito de júbilo,
porque ha logrado una buena serie de gazapos... Pero ya ha cruzado el Atlántico
y, desde Uruguay o Chile, nos envía, en un libro de ensayos, esta cita de
Dante:
Per mi se va nela città dolente,
y desde los Estados Unidos, en una revista literaria, ésta cita de
Malherbe:
Et les fruits dépasseront la prémisse des fleurs.
Hay que reconocer que se muestra particularmente afortunado con las
citas de poetas ingleses, en los libros europeos. ¿No ha sido él quién ha
dicho?:
Her lies on woshe mane was rotten in the water
y
Thou art the grove wehre hurried love dot lives?
¡Y qué antología podríamos hacer con su alemán aproximativo en los
libros italianos y con italiano aproximativo en los libros alemanes! Pero ¿qué
cosa será capaz de hacer con las citas chinas de los autores japoneses?
Por más que desconfiemos de él y tomemos en su contra las precauciones
más minuciosas, por más que verifiquemos en los mejores textos y consultemos a
la gente autóctona, nunca podemos estar seguros de no ser, un día u otro, sus
víctimas. Puesto que los tipógrafos son sus aliados poderosos y diligentes. Podemos
muy bien atribuirles el noventa por ciento de los errores españoles de George
Borrow; y no es imposible que ese después,
que significa lentamente, haya sustituido
tipográficamente a un despacio
manuscrito que el autor no logró imponerle a su impresor, que estaba ligado por
un pacto infernal a Jhon el toreador.
Más chè quieretéis, mios amicos? Cosa che non
tiene rimedio olvidarela està lo mejor! (como
él mismo diría, o algo parecido). Temámosle; pero, llegado el caso, sepamos
también desafiarlo. ¿En qué dañan sus pequeñas malicias de saboteador lo
esencial de una obra vigorosa y bien hecha? Sentiríamos lástima por el espíritu
mezquino que se detuviera en ellas: lo compararíamos con el lustrabotas que en los
transeúntes no ve más que los zapatos; y trataríamos de sacrílego al editor que
pretendiera corregir el francés de Shakespeare... Y he aquí una fórmula de
exorcismo: "En francés, en el buen francés de los grandes escritores, no
sólo Sancho se dice Sanche, sino que también Doña se dice Done, así como
Velázquez, Vélasquez y Olé, Ollé! John se escribe preferentemente Jhon. Y torero se dice toréador".
Traducción de Ricardo Valerga.
JHON-LE-TORÉADOR
à G. Jean-Aubry.
J'ai nommé
ainsi le très actif petit démon qui, dans tous les ouvrages de toutes les
littératures, s'amuse à corrompre et à défigurer les phrases et les citations
en langue étrangère. C'est lui qui a osé souffler à Shakespeare les phrases
pseudo-françaises que prononcent ses Monsieurs.
C'est lui qui a introduit tant de fautes de grammaire et d'orthographe dans les
citations espagnoles de The Bible in Spain, de Georges Borrow. C'est lui qui fait dire à tel auteur français,
avec une assurance admirable, que después veut dire « lentement », et qui a fait écrire à quelques autres des dialogues
dans le genre de celui-ci : « Esta tarda, constata Don Gonzalès, io soy muy mas alegro
che antayer. »
« Ollé ! ollé ! » s'écria gaiement la Segnorita Sacramenta.
« Ollé ! » c'est lui-même, Jhon-le-Toréador, qui pousse ce cri de joie, parce qu'il a
réussi une belle série de pataquès... Mais déjà il a traversé l'Atlantique, et de l'Uruguay ou du Chili, il nous envoie,
dans un livre d'essais, cette citation de Dante :
Per mi se va
nela città dolente,
et, des Etats-Unis, dans une revue littéraire,
cette citation de Malherbe :
Et les fruits dépasseront la prémisse des fleurs.
Il faut
avouer qu'il est particulièrement heureux dans les citations des poètes
anglais, dans les livres continentaux. N'est-ce pas lui qui a dit :
Her lies on woshe mane was rotten in the water
et
Thou art the grove wehre hurried love dot
lives ?
Et quel recueil ne ferait-on pas de ses à peu près d'allemand dans les livres
italiens et de ses à peu près d'italien dans les livres allemands ! Mais qu'est-ce qu'il peut bien faire des
citations chinoises des auteurs japonais ?
On a beau
se méfier de lui, prendre contre lui les précautions les plus minutieuses,
vérifier sur les meilleurs textes, consulter les gens du pays, on n'est jamais
assuré de n'être pas, un jour ou l'autre, sa victime. Car il a dans les
typographes des alliés puissants et zélés. Les neuf dixièmes des erreurs
espagnoles de George Borrow leur sont vraisemblablement attribuables; et il n'est pas impossible que ce después, qui signifie lentement, se soit typographiquement substitué à un despacio manuscrit que l'auteur n'a pas réussi à imposer
à son imprimeur, qu'un pacte infernal liait à Jhon- le-Toréador.
Màs, chè quieretéis, míos amicos ? Cosa che non tene
rimedio olvídatela
està lo méjor !
(comme il dirait lui-même, ou
quelque chose d'approchant). Redoutons- le ; mais, à l'occasion, sachons aussi
le braver. En quoi ses petites malices de saboteur nuisent-elles à ce qu'il y a
d'essentiel dans une oeuvre vigoureuse et bien venue ? On aurait pitié de l'esprit
mesquin qui s'y arrêterait : on le comparerait au cireur de
chaussures qui, dans les passants, ne voit que leurs souliers ; et on
traiterait de sacrilège l'éditeur qui prétendrait corriger le français de
Shakespeare... Et voici une formule d'exorcisme : «
En français, en
beau français des grands écrivains, non seulement Sancho
se dit Sanche, mais Doña se dit Done, comme Velàzquez Vélasquez et
Olé, Ollé ! John s'écrit de préférence Jhon. Et torero se dit toréador. »