viernes, 10 de junio de 2011

Alfredo Gangotena: Cuatro poemas de Ausencia



ABSENCE

I

Les anges attendent, dehors, mon front.
Les anges, au gré du vent, dans les frimas, comme blanches paupières anxieuses,
Battent des ailes,
Brûlent le songe dans la maison du noir.
Et les lumières du ciel, les lumières du sable, vibrent ensemble dans cette attente.
Mes mains ? ouvertes, écartelées, ouvertes dans le sang !
Les portes de ma solitudes, branlantes dans les miroirs du vent.
Et toutes les feuilles nées de la Nature,
Qui veillent autour sur cet éclairage de tristesse et d'anxiété.

Mais je ne puis m'absenter, et d'aucune façon, dérider les formes de ma vision.
J'ai à subir, croyez-moi, nombre paroles et maints climats,
Les multiples haleines de l'âme désemparée.

Car le rouge est là ! ce rouge extrême auprès de mes regards, ce rouge aux tempes et dans me mains.
Et les battements pénibles de la porte viennent jeter, de temps à autre, dehors, le trouble dans les beaux visages de cette légion.
Et la lumière, qui se défie, me garde autour comme une attente rouge dans les murs.

Ces oiseaux parsemés devant, miroitent dans les airs
-Ces grands oiseux qui se réclament d'un si long voyage,
Qui m'apprennent, en cette virtuosité de vol,
Les eaux premières que je n'ai pu boire !
Et la lumière, comme une pensée à la cime même de l'esprit.

Qui franchirait, vers l'extérieur, ces murs ?
Comme une écorce bien ajustée
Ils nous maintiennent dans cet élan, droits vers le ciel de toute immobilité.
Et mes veines qui s'asphyxient !
Mes veines, chargées de larmes, qui pèsent tant dans mon cerveau.
Allez ! fuyez ma vie, fuyez-la donc, présences du dehors, et ne me faites plus souffrir cette glace dans la terreur.

Mais il y a ce vent, ce vent de tous les lieux !
Le vent qui, prompt, s'apprête à dévaster jusque dans les blancheurs limpide de mon front !
Vrai ! et cette couleur si douce, aussi, d'âge en âge venue, comme une voix secrète des ombres intime,
Si douce et si loin venue dans la liquide solitude de mes paupières.

Comme le sel nocturne du regard, qui débonnaire éclate aux jours de honte et de tempête,
Un astre est nu dans mon esprit.
O soleil avec tes brises, ton paradis soluble dans nos veines et dans nos larmes !
Eclaire, éclaire, ô astre tumultueux, éclaire-moi donc ces ténèbres épaisses de la distance.
Et fais en sorte que moi je ne sois plus séparé d'Elle, d'Elle, ah ! de l'étendue blanche de son contact, par tout ce long et difficile voyage.
Je reste seul, ici dans cette argile, anges du dehors,
-Pour mieux L'attendre, dans ces lumières consternées.
Pour cet appel !
Car j'adore dans mon front une présence mémorable.
Les fleurs et les brises qui s'entrelacent.
Les fleurs ! et le bruissement de ma pupille comme la parole heureuse de son esprit !

Et ses bras ! quels parfums ! entourées de mes veines éclatantes.
Taisez-vous ! or taisez-vous, bouches inquiètes du dehors !
Déjà les grands oiseux du soir arrachent les portes et brisent les murs !
Ces grands et noirs oiseaux qui déploient leur vol subtil dans les profondeurs de mes fenêtres et de mes miroirs
Le monde, en cette minute, n'est plus que l'haleine d'une pensée
Seigneur, je tremble
L'Esprit, le soleil, les astres et toutes lumières connues, tremblent aussi.
Seigneur, qui tremblent en cette suprême connaissance :
O Amour !
Amour présent


AUSENCIA

I

Los ángeles esperan, afuera, mi frente.
Los ángeles, a merced del viento, en la escarcha, como blancos párpados ansiosos,
Baten alas,
Queman el sueño en la casa de la negrura.
Y las luces del cielo, las luces de la arena, vibran juntas en la espera.
¿Mis manos? ¡Abiertas, descuartizadas, abiertas en la sangre!
Las puertas de mi soledad golpean en los espejos del viento.
Y todas las hojas nacidas de la Naturaleza,
Que velan en torno sobre esta luz de tristeza y ansiedad.

Pero no puedo ausentarme, y en modo alguno, alegrar las formas de mi visión.
Tengo que sufrir, créanme, muchas palabras y numerosos climas,
Los múltiples alientos del alma desesperada.

¡Pues lo rojo está allí! Ese rojo extremo ante mi mirada, ese rojo en las sienes y en mis manos.
Y el penoso golpear de la puerta crea, de vez en cuando, afuera, la confusión en los hermosos rostros de esa legión.
Y la luz, que desconfía, guarda a mi alrededor como una espera roja en los muros.

Esos pájaros dispersos adelante, espejean en el aire
-¡Esos grandes pájaros que reivindican un tan largo viaje,
Que me enseñan, en ese virtuosismo de vuelo,
Las aguas primigenias que no pude beber!
Y la luz, como un pensamiento, en la cima misma del espíritu.

¿Quién franquearía, hacia afuera, estos muros?
Como una corteza bien ajustada
Nos mantienen en este impulso, derechos hacia el cielo en plena inmovilidad.
¡Y mis venas que se asfixian!
Mis venas, cargadas de lágrimas, que pesan tanto en mi cerebro.
¡Vamos, rehuid mi vida, rehuidla, pues, presencias de afuera, y no me hagáis soportar más este hielo en el terror!

¡Pero allí está ese viento, ese viento de todos lados!
¡El viento que, rápido, se apresta a devastar hasta en las blancuras límpidas de mi frente!
¡Así es!, y este color tan suave, también, venido del fondo de los tiempos, como una voz secreta de las íntimas sombras,
tan suave y venido de tan lejos en la líquida soledad de mis párpados.

Como la sal nocturna de la mirada, que benévola estalla en los días de vergüenza y tempestad,
Un astro está desnudo en mi mente.
¡Oh sol con tus brisas, tu paraíso soluble en nuestras venas y nuestras lágrimas!
Ilumina, ilumina, oh astro tumultuoso, ilumíname pues esas espesas tinieblas de la distancia.
Y haz de modo que yo ya no esté separado de Ella, de Ella, ¡ah!, de la blanca extensión de su contacto, por todo este largo y difícil viaje.
Yo permanezco solo, aquí en esta arcilla, ángeles del afuera,
-Para mejor esperarla, en estas luces consternadas.
¡Para este llamado!
Ya que en mi frente adoro una presencia memorable.
Las flores y las brisas que se entrelazan.
¡Las flores! ¡Y el rumor de mi pupila, como la palabra feliz de su alma!

¡Y sus brazos! ¡Qué perfumes! rodeados por mis venas brillantes.
¡Callaos! ¡Callaos, pues, bocas inquietas del afuera!
¡Ya los grandes pájaros de la tarde arrancan las puertas y rompen los muros!
Esos grandes y negros pájaros que despliegan su vuelo sutil en las profundidades de mis ventanas y de mis espejos.
El mundo, en este instante, no es más que el hálito de un pensamiento.
Señor, estoy temblando.
El Espíritu, el sol, los astros y toda luz conocida tiemblan también.
Señor, que tiemblan en este conocimiento supremo:
¡Oh Amor!
Amor presente.


V

O Terre ! Terre trois fois maudite, cette fois-ci, ô Terre ! je te contemple animé de toute la haine dont mes yeux seront un jour capables.
Depuis qu'on m'a sournoisement parlé de mon malheur,
Depuis cette heure, vraiment la plus lourde et la plus triste de toutes les heures de mon sang,
Depuis, ô Terre ! avec tes arbres et tes cailloux, Terre maudite avec tes pierres,
- et cette pluie et cette nuit charnelles qui te baigne longuement, dans tes vallées désertes -
Depuis cette soudaine coupure de gouffre dans mon cerveau,
Me voici, Terre intraitable, me voici revenu des songes,
Ô Terre ! je m'annonce à toi !
Et ma parole vindicative, et lourde de la sève des pavots, ma parole te souille, te dit :
Ô Terre ! je t'abhorre ainsi : solennellement :
Et le reste de ma vie sourde et secrète je le consacrerai à fomenter méthodiquement le mépris et la haine, chez tout vivant, à ton égard.
Et je suis encore là, au milieu de tes ombres,
Condamné à souffrir cette amnésie, cette démence de mes yeux
- saisis d'un tel tremblement, tellement saisi, qu'à les entendre l'ouragan lui-même envierait leur résonance et leur désolation.

Mais il est déjà temps de m'adresser à vous, hommes vieillis dans les poussières et les chemins.
Considérez mon trouble : cet abandon !
Considérez, je vous prie, ma solitude et ma peine ;
Croyez-moi, les fleurs du jour et de la nui
S'étonnent de m'entourer et de me voir,
Les fleurs, dans leur sagesse, s'étonnent de ces mille abstruses syllabes qui sillonnent mon désespoir.

Ô monde inutile !
Et ma science inhumaine n'est guère en mesure d'octroyer le népenthès aux souffrances que j'endure.
Une seule minute de trêve et d'oubli, qui me permette enfin de fuir cette Terre inhumaine et sans ressources
- Terre promise à mes ancêtres,
Terre d'or et de lumière,
Où l'œil ne brûle que du feu continue et solitaire des roches !

Hommes heureux et d'ailleurs, comme je regrette la fraîcheur de vos ombres !
Vous ne saurez jamais en quel éloignement vous vous trouvez de ce lieu d'enfer, de cette argile inégale et sombre.
Je te hais, Nature !
Terre horrifique, qu'ai-je à faire de tes royaumes ?
Pense plutôt à l'arbre nourri de cendres dont la sève implique désespoir.
L'aconit, le blé et tant de graines ont besoin de ton secours, Nature !
Tant de graines et cette herbe adulte, et cette paille fauve aussi, brûlée par les tempêtes, cette paille, cette herbe sinistre dans les vents.
Oublie-moi donc, Nature !
Vraiment, je ne suis qu'un fantôme dans ton silence ;
Quel besoin aurais-tu de t'initier aux secrets de mon esprit ?
Un fantôme de vieille race, nécessairement !
Ou même, plutôt ! une forme plus concrète et bien pourvu d'un cœur qui souffre ?

Mais non ! voici, je me souviens de moi :
Je suis venu vers toi, de loin, comme un cadavre,
Terre Horrifique, te retrouver !


V

¡Oh Tierra! ¡Tierra tres veces maldita, esta vez, oh Tierra! Te contemplo animado por todo el odio del que mis ojos serán un día capaces.
Desde que solapadamente me hablaron de mi desgracia,
Desde esa hora, la más pesada, por cierto, y la más triste de todas las horas de mi sangre,
Desde entonces, ¡oh Tierra!, con tus árboles y tus guijarros, Tierra maldita con tus piedras -y esta lluvia y esta noche carnales que largamente te bañan, en tus valles desiertos-
Desde ese repentino corte de abismo en mi cerebro,
Heme aquí, Tierra intratable, heme aquí de vuelta de los sueños,
¡Oh Tierra! ¡Ante ti me anuncio!
Y mi palabra vengativa, y pesada con la savia de las amapolas, mi palabra te mancha, te dice:
¡Oh Tierra! ¡Así te aborrezco, solemnemente!
Y el resto de mi vida sorda y secreta lo dedicaré a fomentar metódicamente, en todo lo que vive, el desprecio y el odio hacia ti.
Y aún estoy aquí, en medio de tus sombras,
Condenado a sufrir esta amnesia, esta demencia de mis ojos
-presos de un temblor tal,
Presos a tal punto que, al oírlos el mismo huracán, envidiaría su resonancia y su desolación.

Pero ya es tiempo de que me dirija a vosotros, hombres envejecidos en el polvo y en los caminos.
Considerad mi turbación: ¡este abandono!
Considerad, os ruego, mi soledad y mi pena;
Creedme, las flores del día y de la noche
Se asombran de rodearme y de verme,
Las flores, en su sabiduría, se asombran de las mil sílabas abstrusas que surcan mi desesperación.

¡Oh mundo inútil!
Y mi ciencia inhumana apenas si puede otorgar su nepente a los sufrimientos que soporto.
¡Un sólo minuto de tregua y de olvido, que me permita huir de esta Tierra inhumana y sin recursos
-Tierra prometida a mis ancestros,
Tierra de oro y de luz,
Donde los ojos no arden sino con el fuego continuo y solitario de las rocas!

¡Hombres felices y de otras tierras, cómo añoro las frescuras de vuestras sombras!
Nunca sabréis lo lejos que estáis de este sitio infernal, de esta arcilla despareja y sombría.
¡Naturaleza, te odio!
Horrífica Tierra, ¿qué me importan tus reinos?
Piensa más bien en el árbol alimentado con cenizas cuya savia implica desesperación.
¡El acónito, el trigo y tanto grano tienen necesidad de tu auxilio, Naturaleza!
Tanto grano y esta hierba adulta, y esta paja rojiza, también, quemada por las tormentas, esta paja, esta hierba siniestra en el viento.
¡Olvídame pues, Naturaleza!
Verdaderamente, no soy más que un fantasma en tu silencio;
¿Qué necesidad tendrías tú de iniciarte en los secretos de mi mente?
¡Un fantasma de antigua raza, necesariamente!
O incluso, ¡más bien!, ¿una forma más concreta y bien provista de un corazón que sufre?

¡Pero no!, he aquí que me acuerdo:
¡Como un cadáver, desde lejos, hacia ti he venido,
Horrífica Tierra, de nuevo a encontrarte!


VII
  
Beaucoup d'insectes autour d'une seule pensée:
La mienne, absente ! sous un ciel de pluie.
Et tu est venu, un jour, là, Pizarro, animé d'une grande passion !
Comme toi, fantôme ! je brûle mon âme auprès de cette étrange forêt
Don tu aimais jadis sentir l'haleine tenace.
Mais combien de ces prunelles nauséabondes m'entourent aussi
- comme en cette heure d'angoisse, lourde et mauvaise à ton esprit -
Que s'attardent à me regarder languir.
Mourir ! les yeux si loin d'ici
- Et l'esprit, encore plus noble, tout près des chaînes où a vécu mon cœur !

Le sang m'appelle,
Le sang des jours d'extase, plus rythmé que la mer.
Ce sang qui n'oubli jamais, qui m'envahi d'une couleur terrible.
Mais vite ! que cet inutile voyage des yeux finisse !
Le cœur ainsi, qui a tant patienté, veut à tout prix revoir son sang,
Jouir d'une ombre convoitée, plus douce et plus propice à son pénible tremblement.
Mais vite, que j'y retourne !
Car elle m'attend, les regards au vent, mon Épousée, là-bas, blanche et secrète comme les neiges d'une étoile nouvelle.
Ah ! Seigneur, si je parcours une patrie mauvaise, ayez pitié de celui qui vous offense, bien pauvre enfant oublié aux ronces de son calvaire.
Je vous crie : « Seigneur, guérissez-moi de la mer immense, de ma très grande tristesse, et de cette astre banal qui éclaire les terres de mon tourment ! »

La nuit se fait plus grave, plus dense, qui cherche ses ombres éperdument.
Ma détresse est grande. Et j'ouvrirai mon cœur aux bêtes sauvages qui parcourent le monde comme un feu des sables.
Quel Esprit ai-je encore à fréquenter ?
L'opium partage en mille mes ombres, versant sur toute paupière sa mélancolie d'absences.

À bout d'espoir, le cœur reprend :
« L'absence !
« L'absence à perte de vue.
« Oh, qu'il est lointain mon foyer de gloires !
« Ô lèvres aimantes, ces larmes ne sont pas assez profondes pour pleurer votre lamentable éloignement. »

Le ciel encore plus dur, ne résonne pas !
Les fleurs sans tiges qui ont le poids du sang.
Et la nuit se fait plus douce, plus proche et plus prenante :
« Ouvre-toi !
« Ouvre ton sommeil à mes haleines,
« Car je suis la liberté des brises,
« Car j'entraîne avec mes siècles la convalescence de tes pupilles.
« Le chemin est près, toute forme du songe est désireuse de remplir sa tâche, son destin.
« Le temps vous presse, ô lèvres incomparables,
« Rendez-vous à mon ciel d'intelligence,
« Le seul contact d'amour irréductible, je l'assure en ce royaume de vie. »


VII

Muchos insectos en torno a un único pensamiento:
¡El mío, ausente!, bajo un cielo lluvioso.
¡Y tú viniste,un día, aquí, Pizarro, animado por una gran pasión!
Como tú, ¡fantasma!, yo quemo mi alma junto a esta extraña selva
Cuyo hálito tenaz te gustaba antaño oler.
Pero cuántas de esas pupilas nauseabundas me rodean también
-Como en esta hora de angustia, pesada y mala para tu espíritu-
Que se quedan mirándome languidecer.
¡Morir!, con los ojos tan lejos de aquí
-¡Y el espíritu, más noble aún, muy cerca de las cadenas en que vivió mi corazón!

La sangre me llama,
La sangre de los días de éxtasis, más acompasada que el mar.
Esta sangre que nunca olvida, que me invade con un color terrible.
Pero, ¡rápido!, ¡que se acabe este inútil viaje de los ojos!
Así, el corazón que ha sido tan paciente quiere a toda costa volver a ver su sangre,
Gozar de una sombra codiciada, más suave y más propicia a su penoso temblor.
Pero, ¡rápido, que yo vuelva allí!
Pues ella me espera, con la mirada al viento, mi Desposada, allá lejos, blanca y secreta como las nieves de una estrella nueva.
¡Ah, Señor!, si yo recorro una patria malvada, ten piedad de quien te ofende, paupérrimo niño olvidado en las zarzas de su calvario.
Te grito: "¡Señor, cúrame del inmenso mar, de mi grandísima tristeza, y del astro banal que ilumina las tierras de tormento!"

La noche que busca sus sombras desesperadamente se hace más grave, más densa.
Grande es mi aflicción.
Y abriré mi corazón a los animales salvajes que recorren el mundo como el fuego la arena.
¿Qué Espíritu me queda por frecuentar?
El opio divide mis sombras en mil pedazos, vertiendo en toda pupila su melancolía de ausencias.

Casi sin esperanzas, el corazón recomienza:
"¡La ausencia!
La ausencia hasta donde se pierde la vista.
¡Oh, que lejos está mi hogar de glorias!
Oh, labios amantes, estas lágrimas no son lo bastante profundas para llorar vuestro lamentable alejamiento."

¡El cielo, más duro aún, no resuena!
Las flores sin tallo que tienen el peso de la sangre.
Y la noche se hace más suave, más cercana y más cautivante:
"¡Ábrete!
Abre tu sueño a mis hálitos,
Pues soy la libertad de las brisas,
Pues arrastro con mis siglos la convalecencia de tus pupilas.
El camino está listo, toda forma del sueño está deseosa de cumplir con su tarea, con su destino.
El tiempo os urge, oh labios incomparables,
Dirigíos a mi cielo de inteligencia,
El único contacto de amor irreductible, lo aseguro en este reino de vida."
  

IX

Les murs tremblent, les feuilles aussi.
Je vous le dis, je vous l'assure :
Il y a quelqu'un qui saigne ici.
Quelqu'un qui saigne de grosses gouttes,
Lourdes comme l'acide enfoui au sein terrible de la montagne.
Ouvrez les portes, ouvrez !
Que la vapeur, au plus vite, prenne
La route du feu qui la reconduira aux anges.
Il y a quelqu'un qui saigne ici.
S'il vous parle : ses yeux, depuis une vie,
Se sont ouverts dans votre nuit,
Ah ! je vous le dis, comme un incendie
De sèves dans la forêt !
Car il est bien damné dans sa chair, dans son esprit.
Et saura-t-il jamais
La douceur du ciel qui s'infiltre longuement dans nos paupières,
Et ces brises d'espoir latent
Qui bercent, allongent les feuilles endormies ?
Le monde en son cœur, en son esprit
Le monde, pour lui, est bien fini.
Tout à sa honte, il ne respire plus.
Il s'absente, il disparaît.
Nous n'avons plus à le consoler.
Pitié ! pourtant.
Récidivons, récidivons!
Couleurs vibrantes de son front,
Faites en sorte qu'il se dise :
« L'amour : ces souffles ! ces regards, ces songes,
« Et toute image, toute ombre,
« Et l'éternelle tristesse dans mon cerveau ! »

Regagnez, regagnez pourtant
Votre foyer de lumières,
Taches d'un soleil perdu
Qui vous acharnez sur cet enfant de misère !
Le rayon d'en haut approche de lui son manteau de feu.
Mais le froid est encore plus tenace, qui a glacé toute nourriture.
- Seulement ce bruit de sables qui vole à côté…
Serait-ce le jour, la clarté, la délivrance,
Ou bien cette haleine stérile du désert
Qui s'engouffre dans ses poussières
Et sombre avec nous ?

Je vous le dis, je vous l'assure :
Il y a quelqu'un qui saigne ici.
Et sa voix, tout d'un coup, est celle-ci :
« Je ne sais plus prier, je suis à bout, je suis perdu !
« Ô mes genoux !
« Qui vous évertuez à saisir les murmures, les saisons de la terre :
« Les calvaires, les musiques,
« N'en ont-ils pas assez, bien assez,
« De la chaleur de mon sang,
« Je ne sais plus prier, le vent me déchire !
« Ô Terre ! voici tes plaines et tes monts,
« Tes cours d'eau, tes forêts ;
« Mais encore me voici inculte, inassouvi…
« Et même mourant tu me relègues à la dernière solitude du monde. »
- Et l'étoile immobile, qui l'endommage, de répondre :
« Ah oui ! jusqu'à ce que le ciel t'ait carrément recouvert
« De sa purulence et de sa boue ! »


IX

Los muros tiemblan, las hojas también.
Os lo digo, os lo aseguro:
Hay alguien que sangra aquí.
Alguien que sangra gruesas gotas,
Pesadas como el ácido enterrado en el seno terrible de la montaña.
¡Abrid las puertas, abridlas!
Que el vapor, lo más rápido posible, tome
La ruta de fuego que lo llevará de regreso a los ángeles.
Hay alguien que sangra aquí.
Si os habla: sus ojos, desde hace toda una vida,
Se abrieron en vuestra noche,
¡Ay, os lo digo, como un incendio
De savias en el bosque!
Pues bien está condenado, en su carne, en su espíritu.
Y, ¿llegará alguna vez a conocer
La dulzura del cielo que se nos infiltra largamente en los párpados,
Y esas brisas de esperanza latente
Que acunan, reclinan las hojas adormecidas?
El mundo en su corazón, en su espíritu
El mundo, para él, se ha terminado.
Dominado por la vergüenza, ya no respira más.
Se ausenta, desaparece,
Ya no tenemos que consolarlo.
¡Piedad!, sin embargo.
¡Reincidamos, reincidamos!
Colores vibrantes de su frente,
Haced que se diga:
"El amor: ¡esos hálitos, esas miradas, esos sueños,
y toda imagen, toda sombra,
y la tristeza eterna en mi cerebro!"

¡Volved, volved, sin embargo,
a vuestro hogar lleno de luz,
manchas de un sol perdido
que os ensañáis con este hijo de la miseria!
El rayo de lo alto le acerca su manto de fuego.
Pero el frío, que congeló todo alimento, es más tenaz aún,
Sólo ese ruido de arenas que vuela a su lado...
¿Será el día, la claridad, la liberación,
O bien el hálito estéril del desierto
Que se abisma en el polvo
Y zozobra con nosotros?

Os lo digo, os lo aseguro:
Hay alguien que sangra aquí.
Y su voz, de golpe, es esta:
"¡Yo ya no sé rogar, no puedo más, estoy perdido!
¡Oh mis rodillas!
Que os extenuáis en aprehender los murmullos, las estaciones de la tierra:
Los calvarios, las músicas,
¿No están hartos ya, muy hartos,
Del calor de mi sangre?
¡Yo ya no sé rogar, el viento me desgarra!
¡Oh Tierra!, he aquí tus llanuras y tus montes,
Tus cursos de agua, tus selvas;
Pero ahora aún me ves sin cultivar, insaciado...
E incluso moribundo me relegas a la última soledad del mundo."
-Y la estrella inmóvil, que lo daña, responde:
"¡Ah sí!, ¡hasta que el cielo te haya del todo cubierto
Con su purulencia y con su lodo!"

(Publicadas por primera vez en EOM nº 24, septiembre de 2003.)