viernes, 2 de agosto de 2024

Paul Claudel: Hector Berlioz

HECTOR BERLIOZ 

Soy, en efecto, un ferviente admirador de Hector Berlioz.

La región en que vivo está cerca de esa Côte-Saint-André, que fue su lugar de nacimiento. Fue allí donde, hace algunos años, saliendo de una representación de la Condenación de Fausto que se daba en el antiguo mercado cubierto de la ciudad, con el alma y el oído llenos de la Invocación a la Naturaleza, me encontré colocado, con la luz de aquella desbordante tarde de julio, en medio de la más magnífica composición geográfica que jamás haya esperado el arco levantado de un demiurgo para hacerse sonora para nuestra inteligencia. No había ruidos, y en la enorme valva llena de aire no se movía ni una sola nube: pero era sencillamente el Delfinado en un oleaje ardiente de cosechas lo que vi ante mí cambiar de oro a nieve, elevarse de aliento a duración y abrirse en el centro como una partitura sublime. Con la voz del genio, comprendí los tres elementos que animaban el paisaje orquestal: luz, composición, movimiento. La luz, en esa encrucijada de Francia, es la fresca ninfa del Norte, que se estremece con el primer toque de un Dios dorado. La composición es esa vasta arquitectura de piedra, ese anfiteatro olímpico, esa inmensa guirnalda calcárea de pisos superpuestos que se extiende, imponente sin dejar de ser grácil, desde el lago Lemán hasta el Mediterráneo. Y finalmente el movimiento, no, digamos más bien el alma, detrás de mí, era ese coribante inspirado por las Musas, ese Pan domador de Minerva, que acababa de revelarme esa composición. Así como cada lengua tiene su timbre, cada raza tiene su propio porte. Wagner nos dice que el de la gente de su país es el andante, el progreso con solemnidad en la conciencia y la afirmación de cada paso, del que el arte de Johann Sebastian Bach nos da la sensación constantemente renovada. Estoy de acuerdo, pero ese porte no es el nuestro, y ¿por qué querríamos adoptarlo? ¿Por qué habríamos de avergonzarnos de la expresión propia del lirismo francés que es la elocuencia y el entusiasmo? Todas esas fuerzas meditativas de la creación están ahí únicamente para profundizar y exhalar su sueño de eternidad, están ahí para servir de coro a nuestra tragedia, para reverberar el eco de nuestro corazón y de nuestra voz, para asumir en su plenitud, bajo los rayos diversamente inclinados de la hora, el papel de testigos de las pasiones, de la Pasión humana. Al ver a ese hijo de Dios que desea, que sufre, que lucha, que implora, que espera, que se lamenta, que acusa, que interroga, ese aeda, poseído por el genio de la interpelación, ha convocado a la tierra, al mar y al cielo, a los monumentos que nos rodean de la historia y de la leyenda. La medida de ese intrépido alegato requería como auditorio nada menos que el universo entero.

La música de Berlioz, como la de Wagner, es esencialmente dramática. Esos dos grandes hombres comprendieron que la pasión humana, es decir, el sentimiento llevado a un cierto grado de exaltación, por encima del lirismo de las palabras, exige el de la tonalidad. Ambos se hicieron artesanos de los cimientos escénicos que servirían de plataforma para su vuelo. Pero hablando como el hombre del oficio que soy, no temo decir que el francés, más que su rival, tuvo el sentido de las condiciones y los límites de una posible colaboración (condiciones, por otra parte, cuya realización plenamente satisfactoria sigue siendo uno de los problemas propuestos para el futuro). Beaumarchais ya había visto, con agudeza y acierto, que el tempo de la acción propiamente dicha no es el de la música, y que ésta sólo está ahí para comentar con esplendor y amplitud ciertas situaciones privilegiadas. De ahí la forma de “números” distintos  que es característica de todas las composiciones berliozianas. Desde un punto de vista técnico, los considero muy superiores al desarrollo interminable e informe, a la lentitud insoportable de las enormes epopeyas wagnerianas.

PAUL CLAUDEL

Traducción para Literatura & Traducciones de Miguel Ángel Frontán

 

HECTOR BERLIOZ 

Je suis en effet un admirateur fervent d'Hector Berlioz.

Le pays que j'habite est voisin de cette Côte-Saint-André qui fut son berceau. C'est là que, il y a quelques années, au sortir d'une exécution de la Damnation de Faust que l'on donnait sous les vieilles halles de la ville, l'âme et l'oreille encore retentissante de l'Invocation à la nature, je me trouvai déposé dans la lumière de cette regorgeante après-midi de juillet au milieu de la plus magnifique composition géographique qui ait jamais attendu pour devenir sonore à notre intelligence l'archet levé d'un démiurge. Aucun bruit, et dans l'énorme conque ventilée pas le mouvement d'un seul nuage : mais c'était tout simplement le Dauphiné dans une houle ardente de moissons que je voyais devant moi passer de l'or à la neige, monter de la respiration à la durée et s'ouvrir par le milieu comme une partition sublime. Je comprenais à la voix du génie les trois éléments dont s'animait le paysage orchestral : lumière, composition, mouvement. La lumière, c'est à cette charnière de la France, la fraîche nymphe du Nord qui frémit au premier contact d'un Dieu doré. La composition, c'est cette vaste architecture de pierre, cet amphithéâtre olympien, cette immense guirlande calcaire aux étages superposés qui s'étend formidable sans jamais cesser d'être gracieuse, du Léman à la Méditerranée. Et enfin le mouvement, non, disons plutôt l'âme, c'était derrière moi ce corybante inspiré par les Muses, ce Pan dompteur de Minerve, qui venait de me la révéler. Comme chaque langage a son timbre, chaque race a son allure. Wagner nous dit que celle des gens de son pays est l'andante, le progrès avec solennité dans la conscience et l'affirmation de chaque pas, dont l'art de Jean Sébastien Bach nous donne le sentiment sans cesse renouvelé. Je l'accorde, mais cette allure n'est pas la nôtre, et pourquoi voudrait-on nous y rompre ? Pourquoi rougirions-nous de cette expression propre au lyrisme français qui est l'éloquence, l'enthousiasme ? Toutes ces forces méditatives de la création, elles ne sont pas là seulement pour approfondir et pour exhaler leur rêve d'éternité, elles sont là pour servir de chœur à notre tragédie, pour réverbérer l'écho de notre cœur et de notre voix, pour assumer dans sa plénitude, sous le rayon diversement incliné de l'heure, le rôle de témoins des passions, de la Passion humaine. Au spectacle de cet enfant de Dieu qui désire, qui souffre, qui se débat, qui adjure, qui espère, qui se lamente, qui accuse, qui interroge, cet aède, possédé par le génie de l'interpellation, a convoqué la terre, la mer et le ciel, le monument autour de nous de l'histoire et de la légende. À la mesure de cette plaidoirie intrépide il fallait pour auditoire pas autre chose que l'univers entier !

La musique de Berlioz, comme celle de Wagner, est essentiellement dramatique. L'un et l'autre des deux grands hommes ont compris que la passion humaine, c'est-à-dire le sentiment poussé à un certain degré d'exaltation, par-dessus le lyrisme de la parole réclame celui de la tonalité. Tous deux se sont faits artisans du soubassement scénique qui devait fournir plate-forme à leur envol. Mais parlant en homme de métier, je ne crains pas de dire que le Français, plus que son rival, a eu le sens des conditions et des limites de la collaboration possible (conditions d'ailleurs dont une réalisation pleinement satisfaisante reste un des problèmes proposés à l'avenir). Beaumarchais déjà avait vu finement et justement que le tempo de l'action proprement dite n'est pas celui de la musique, et que celle-ci n'est là que pour commenter avec splendeur et ampleur certaines situations privilégiées. De là, la forme à « numéros » distincts qui est celle de toutes les compositions berlioziennes. Je les compare quant à moi avec grand avantage, au point de vue technique au déroulement interminable et informe, à la lenteur insoutenable des énormes épopées wagnériennes.

PAUL CLAUDEL

Brangues, le 25 décembre 1943.

Publié in La Littérature et la Musique,

Revue musicale, janvier 1952