Soy, en efecto, un
ferviente admirador de Hector Berlioz.
La región en que vivo
está cerca de esa Côte-Saint-André, que fue su lugar de nacimiento. Fue allí
donde, hace algunos años, saliendo de una representación de la Condenación de Fausto que se daba en el
antiguo mercado cubierto de la ciudad, con el alma y el oído llenos de la Invocación a la Naturaleza, me encontré colocado,
con la luz de aquella desbordante tarde de julio, en medio de la más magnífica
composición geográfica que jamás haya esperado el arco levantado de un demiurgo
para hacerse sonora para nuestra inteligencia. No había ruidos, y en la enorme valva
llena de aire no se movía ni una sola nube: pero era sencillamente el Delfinado
en un oleaje ardiente de cosechas lo que vi ante mí cambiar de oro a nieve,
elevarse de aliento a duración y abrirse en el centro como una partitura
sublime. Con la voz del genio, comprendí los tres elementos que animaban el
paisaje orquestal: luz, composición, movimiento. La luz, en esa encrucijada de
Francia, es la fresca ninfa del Norte, que se estremece con el primer toque de
un Dios dorado. La composición es esa vasta arquitectura de piedra, ese anfiteatro
olímpico, esa inmensa guirnalda calcárea de pisos superpuestos que se extiende,
imponente sin dejar de ser grácil, desde el lago Lemán hasta el Mediterráneo. Y
finalmente el movimiento, no, digamos más bien el alma, detrás de mí, era ese
coribante inspirado por las Musas, ese Pan domador de Minerva, que acababa de
revelarme esa composición. Así como cada lengua tiene su timbre, cada raza
tiene su propio porte. Wagner nos dice que el de la gente de su país es el andante, el progreso con solemnidad en
la conciencia y la afirmación de cada paso, del que el arte de Johann Sebastian
Bach nos da la sensación constantemente renovada. Estoy de acuerdo, pero ese
porte no es el nuestro, y ¿por qué querríamos adoptarlo? ¿Por qué habríamos de
avergonzarnos de la expresión propia del lirismo francés que es la elocuencia y
el entusiasmo? Todas esas fuerzas meditativas de la creación están ahí
únicamente para profundizar y exhalar su sueño de eternidad, están ahí para
servir de coro a nuestra tragedia, para reverberar el eco de nuestro corazón y
de nuestra voz, para asumir en su plenitud, bajo los rayos diversamente
inclinados de la hora, el papel de testigos de las pasiones, de la Pasión
humana. Al ver a ese hijo de Dios que desea, que sufre, que lucha, que implora,
que espera, que se lamenta, que acusa, que interroga, ese aeda, poseído por el
genio de la interpelación, ha convocado a la tierra, al mar y al cielo, a los
monumentos que nos rodean de la historia y de la leyenda. La medida de ese
intrépido alegato requería como auditorio nada menos que el universo entero.
La música de Berlioz,
como la de Wagner, es esencialmente dramática. Esos dos grandes hombres
comprendieron que la pasión humana, es decir, el sentimiento llevado a un
cierto grado de exaltación, por encima del lirismo de las palabras, exige el de
la tonalidad. Ambos se hicieron artesanos de los cimientos escénicos que
servirían de plataforma para su vuelo. Pero hablando como el hombre del oficio
que soy, no temo decir que el francés, más que su rival, tuvo el sentido de las
condiciones y los límites de una posible colaboración (condiciones, por otra
parte, cuya realización plenamente satisfactoria sigue siendo uno de los
problemas propuestos para el futuro). Beaumarchais ya había visto, con agudeza
y acierto, que el tempo de la acción
propiamente dicha no es el de la música, y que ésta sólo está ahí para comentar
con esplendor y amplitud ciertas situaciones privilegiadas. De ahí la forma de
“números” distintos que es característica
de todas las composiciones berliozianas. Desde un punto de vista técnico, los considero
muy superiores al desarrollo interminable e informe, a la lentitud insoportable
de las enormes epopeyas wagnerianas.
Traducción para Literatura & Traducciones
de Miguel Ángel Frontán
Je suis en effet un
admirateur fervent d'Hector Berlioz.
Le pays que j'habite est
voisin de cette Côte-Saint-André qui fut son berceau. C'est là que, il y a
quelques années, au sortir d'une exécution de la Damnation de Faust que l'on donnait sous les vieilles halles de la
ville, l'âme et l'oreille encore retentissante de l'Invocation à la nature, je me trouvai déposé dans la lumière de
cette regorgeante après-midi de juillet au milieu de la plus magnifique
composition géographique qui ait jamais attendu pour devenir sonore à notre
intelligence l'archet levé d'un démiurge. Aucun bruit, et dans l'énorme conque
ventilée pas le mouvement d'un seul nuage : mais c'était tout simplement
le Dauphiné dans une houle ardente de moissons que je voyais devant moi passer
de l'or à la neige, monter de la respiration à la durée et s'ouvrir par le
milieu comme une partition sublime. Je comprenais à la voix du génie les trois
éléments dont s'animait le paysage orchestral : lumière, composition,
mouvement. La lumière, c'est à cette charnière de la France, la fraîche nymphe
du Nord qui frémit au premier contact d'un Dieu doré. La composition, c'est
cette vaste architecture de pierre, cet amphithéâtre olympien, cette immense
guirlande calcaire aux étages superposés qui s'étend formidable sans jamais
cesser d'être gracieuse, du Léman à la Méditerranée. Et enfin le mouvement,
non, disons plutôt l'âme, c'était derrière moi ce corybante inspiré par les
Muses, ce Pan dompteur de Minerve, qui venait de me la révéler. Comme chaque
langage a son timbre, chaque race a son allure. Wagner nous dit que celle des
gens de son pays est l'andante, le progrès avec solennité dans la conscience et
l'affirmation de chaque pas, dont l'art de Jean Sébastien Bach nous donne le
sentiment sans cesse renouvelé. Je l'accorde, mais cette allure n'est pas la
nôtre, et pourquoi voudrait-on nous y rompre ? Pourquoi rougirions-nous de
cette expression propre au lyrisme français qui est l'éloquence,
l'enthousiasme ? Toutes ces forces méditatives de la création, elles ne
sont pas là seulement pour approfondir et pour exhaler leur rêve d'éternité,
elles sont là pour servir de chœur à notre tragédie, pour réverbérer l'écho de
notre cœur et de notre voix, pour assumer dans sa plénitude, sous le rayon
diversement incliné de l'heure, le rôle de témoins des passions, de la Passion
humaine. Au spectacle de cet enfant de Dieu qui désire, qui souffre, qui se
débat, qui adjure, qui espère, qui se lamente, qui accuse, qui interroge, cet
aède, possédé par le génie de l'interpellation, a convoqué la terre, la mer et
le ciel, le monument autour de nous de l'histoire et de la légende. À la mesure
de cette plaidoirie intrépide il fallait pour auditoire pas autre chose que
l'univers entier !
La musique de Berlioz, comme
celle de Wagner, est essentiellement dramatique. L'un et l'autre des deux
grands hommes ont compris que la passion humaine, c'est-à-dire le sentiment
poussé à un certain degré d'exaltation, par-dessus le lyrisme de la parole
réclame celui de la tonalité. Tous deux se sont faits artisans du soubassement
scénique qui devait fournir plate-forme à leur envol. Mais parlant en homme de
métier, je ne crains pas de dire que le Français, plus que son rival, a eu le
sens des conditions et des limites de la collaboration possible (conditions
d'ailleurs dont une réalisation pleinement satisfaisante reste un des problèmes
proposés à l'avenir). Beaumarchais déjà avait vu finement et justement que le tempo de l'action proprement dite n'est
pas celui de la musique, et que celle-ci n'est là que pour commenter avec
splendeur et ampleur certaines situations privilégiées. De là, la forme à « numéros »
distincts qui est celle de toutes les compositions berlioziennes. Je les
compare quant à moi avec grand avantage, au point de vue technique au
déroulement interminable et informe, à la lenteur insoutenable des énormes
épopées wagnériennes.
Brangues, le 25
décembre 1943.
Publié in La
Littérature et la Musique,
Revue musicale, janvier 1952