martes, 15 de octubre de 2019

José María de Heredia y Antonio de Zayas: Antonio y Cleopatra

ANTONIO Y CLEOPATRA

EL CYDNUS

Bajo el azul triunfal al sol enrojecido,
la trirreme de plata blanquea el río denso
y su estela en él deja un perfume de incienso
y, con sones de flautas, de sedas el crujido.

En la proa radiante do el neblí se ha cernido,
de su dosel Cleopatra olvida el brillo intenso
y oteando del Vésper, de pie, el confín inmenso,
parece un ave de oro que ya la presa ha olido.

Tarsis. Allí el guerrero la espera desarmado;
la morena Lagida abre al aire encantado
los brazos ambarinos y manos primorosas;

y sus ojos no han visto, presagio de su suerte,
deshojando a su lado en la agua turbia rosas,
dos divinos Infantes: el Deseo y la Muerte.


TARDE DE BATALLA

Ha sido rudo el choque. Los Centuriones, juntos
con los Tribunos, unen las cohortes vacilantes.
Por el aire, que atruenan aun sus voces vibrantes,
el hedor de la carne da de muerte barruntos.

Los soldados contaban sus amigos difuntos
de los adversos hierros por los cortes tajantes,
mientras que los arqueros de Faortes, jadeantes,
con el sudor perlaban los rostros cejijuntos.

Entonces surge, al cuerpo las saetas prendidas,
rojo del flujo cálido de sus frescas heridas,
bajo la excelsa púrpura y el éneo paramento,

de los clarines roncos a la armonía tosca
soberbio refrenando el corcel que se enfosca
bajo el cielo inflamado, el Caudillo sangriento.


ANTONIO Y CLEOPATRA

Bajo la alta terraza donde estaban, dormía
el Egipto abrumado por cielo sofocante
y, atravesando el negro Delta, del río gigante
hasta Buhaste o Sais la onda densa corría.

El Romano en su peto escamado sentía,
—soldado a quien arrulla el sueño de un infante—
y arrellanarse sobre su corazón triunfante
el cuerpo voluptuoso que su brazo ceñía.

La pálida cabeza de lóbregos cabellos
volviendo al que embriagaba de aromas y destellos,
tendiole ella las claras pupilas hechiceras;

y el Caudillo, los bríos ante sus pies postrados,
vio en sus ojos, de puntos de oro constelados,
toda una mar por donde huyendo iban galeras.



ANTOINE ET CLÉOPÂTRE

LE CYDNUS

Sous l’azur triomphal, au soleil qui flamboie,
La trirème d’argent blanchit le fleuve noir
Et son sillage y laisse un parfum d’encensoir
Avec des sons de flûte et des frissons de soie.

À la proue éclatante où l’épervier s’éploie,
Hors de son dais royal se penchant pour mieux voir,
Cléopâtre debout en la splendeur du soir
Semble un grand oiseau d’or qui guette au loin sa proie.

Voici Tarse, où l’attend le guerrier désarmé ;
Et la brune Lagide ouvre dans l’air charmé
Ses bras d’ambre où la pourpre a mis des reflets roses.

Et ses yeux n’ont pas vu, présage de son sort,
Auprès d’elle, effeuillant sur l’eau sombre des roses,
Les deux enfants divins, le Désir et la Mort.


SOIR DE BATAILLE

Le choc avait été très rude. Les tribuns
Et les centurions, ralliant les cohortes,
Humaient encor dans l’air où vibraient leurs voix fortes
La chaleur du carnage et ses âcres parfums.

D’un œil morne, comptant leurs compagnons défunts,
Les soldats regardaient, comme des feuilles mortes,
Au loin, tourbillonner les archers de Phraortes ;
Et la sueur coulait de leurs visages bruns.

C’est alors qu’apparut, tout hérissé de flèches,
Rouge du flux vermeil de ses blessures fraîches,
Sous la pourpre flottante et l’airain rutilant,

Au fracas des buccins qui sonnaient leur fanfare,
Superbe, maîtrisant son cheval qui s’effare,
Sur le ciel enflammé, l’Imperator sanglant.


ANTOINE ET CLÉOPÂTRE

Tous deux ils regardaient, de la haute terrasse,
L’Égypte s’endormir sous un ciel étouffant
Et le Fleuve, à travers le Delta noir qu’il fend,
Vers Bubaste ou Saïs rouler son onde grasse.

Et le Romain sentait sous la lourde cuirasse,
Soldat captif berçant le sommeil d’un enfant,
Ployer et défaillir sur son cœur triomphant
Le corps voluptueux que son étreinte embrasse.

Tournant sa tête pâle entre ses cheveux bruns
Vers celui qu’enivraient d’invincibles parfums,
Elle tendit sa bouche et ses prunelles claires ;

Et sur elle courbé, l’ardent Imperator
Vit dans ses larges yeux étoilés de points d’or

Toute une mer immense où fuyaient des galères.