Los invitamos a escuchar en este programa de 8Muyeresenbici, a partir del minuto 31, la lectura hecha por Eduardo Yagüe de algunos poemas de Michel Houellebecq traducidos por Carlos Cámara y Miguel Ángel Frontán, cuyo texto ofrecemos a continuación.
SO LONG
Il y a toujours une ville, des traces de
poètes
Qui ont croisé leur destinée entre ses
murs
L'eau coule un peu partout, la mémoire
murmure
Des noms de ville, des noms de gens,
trous dans la tête.
Et c'est toujours la même histoire qui
recommence,
Horizons effondrés et salons de massages
Solitude assumée, respect du voisinage,
Il y a pourtant des gens qui existent et
qui dansent.
Ce sont des gens d'une autre espèce,
d'une autre race,
Nous dansons tout vivants une danse
cruelle
Nous avons peu d'amis mais nous avons le
ciel,
Et l'infinie sollicitude des espaces;
Le temps, le temps très vieux qui
prépare sa vengeance,
L'incertain bruissement de la vie qui
s'écoule
Les sifflements du vent, les gouttes d'eau
qui roulent
Et la chambre jaunie où notre mort
s'avance.
SO LONG
Hay siempre una ciudad, con huellas de
poetas
Que entre sus muros han cruzado sus
destinos
Agua por todos lados, la memoria murmura
Nombres de gente, nombres de ciudades,
olvidos.
Y siempre recomienza la misma vieja
historia,
Horizontes deshechos y salas de masaje
Soledad asumida, vecindad respetuosa,
Hay allí, sin embargo, gente que existe
y baila.
Son gente de otra especie, personas de
otra raza,
Bailamos exaltados una danza cruel
Y, con pocos amigos, poseemos el cielo,
Y la solicitud sin fin de los espacios;
El tiempo, el viejo tiempo, que urde su
venganza,
El incierto rumor de la vida que pasa
El silbido del viento, el goteo del agua
Y el cuarto amarillento en que la muerte
avanza.
(Le sens du combat, IV)
L’AMOUR, L’AMOUR
Dans un ciné porno, des retraités
poussifs
Contemplaient, sans y croire,
Les ébats mal filmés de deux couples
lascifs ;
Il n'y avait pas d'histoire.
Et voilà, me disais-je, le visage de
l'amour,
L'authentique visage.
Certains sont séduisants ; ils séduisent
toujours,
Et les autres surnagent.
Il n'y a pas de destin ni de fidélité,
Mais des corps qui s'attirent.
Sans nul attachement et surtout sans
pitié,
On joue et on déchire.
Certains sont séduisants et partant très
aimés ;
Ils connaîtront l'orgasme.
Mais tant d'autres sont las et n'ont
rien à cacher,
Même plus de fantasmes ;
Juste une solitude aggravée par la joie
Impudique des femmes ;
Juste une certitude : "Cela n'est
pas pour moi",
Un obscur petit drame.
Ils mourront c'est certain un peu
désabusés,
Sans illusions lyriques ;
Ils pratiqueront à fond l'art de se
mépriser ;
Ce sera mécanique.
Je m'adresse à tous ceux qu'on n'a
jamais aimés,
Qui n'ont jamais su plaire ;
Je m'adresse aux absents du sexe libéré,
Du plaisir ordinaire.
Ne craignez rien, amis, votre perte est
minime :
Nul part l'amour n'existe.
C'est juste un jeu cruel dont vous êtes
les victimes ;
Un jeu de spécialistes.
EL AMOR, EL AMOR
En una sala porno, jubilados jadeantes
Contemplaban, escépticos,
Los brincos mal filmados de parejas
lascivas;
Sin ningún argumento.
He aquí, yo me decía, el rostro del
amor,
El auténtico rostro.
Seductores, algunos; esos siempre
seducen,
Los otros sobrenadan.
El destino no existe ni la fidelidad,
Mera atracción de cuerpos.
Sin apego ninguno, sin ninguna piedad,
Juegan y se desgarran.
Seductores algunos, por ende,
codiciados,
Llegarán al orgasmo.
Hartos ya, tantos otros, no tienen ni
siquiera
Deseos que ocultar;
Sólo una soledad que acentúa el impúdico
Goce de las mujeres;
Tan sólo una certeza: "Eso no es
para mí",
Pequeño drama obscuro.
Morirán es seguro algo desencantados,
Sin ilusiones líricas;
Practicarán a fondo el arte de
despreciarse,
De modo bien mecánico.
A quienes nunca fueron amados me dirijo,
A quienes no gustaron;
A los ausentes todos del sexo liberado,
Del placer ordinario;
No temáis nada, amigos, mínima es
vuestra pérdida:
No existe, no, el amor.
Es sólo un juego cruel cuyas víctimas
sois;
Juego de especialistas.
(La poursuite du bonheur.)
IL EST VRAI
Il est vrai que ce monde où nous
respirons mal
N'inspire plus en nous qu'un dégoût
manifeste,
Une envie de s'enfuir sans demander son
reste,
Et nous ne lisons plus les titres du
journal.
Nous voulons retourner dans l'ancienne
demeure
Où nos pères ont vécu sous l'aile d'un
archange,
Nous voulons retrouver cette morale
étrange
Qui sanctifiait la vie jusqu'à la
dernière heure.
Nous voulons quelque chose comme une
fidélité,
Comme un enlacement de douces
dépendances,
Quelque chose qui dépasse et contienne
l'existence ;
Nous ne pouvons plus vivre loin de
l'éternité.
ES CIERTO
Es cierto que este mundo en que nos
falta el aire
Sólo inspira en nosotros un asco
manifiesto,
Un deseo de huir sin esperar ya nada,
Y no leemos más los títulos del diario.
Queremos regresar a la antigua morada
Donde el ala de un ángel cubría a
nuestros padres,
Queremos recobrar esa moral extraña
Que hasta el postrer instante santifica
la vida.
Queremos algo como una fidelidad,
Como una imbricación de dulces
dependencias,
Algo que sobrepase la vida y la contenga;
No podemos vivir ya sin la eternidad.
CE N’EST PAS
CELA...
Ce
n'est pas cela. J'essaie de conserver mon corps en bon état. Je suis peut-être
mort, je ne sais pas. Il y a quelque chose qu'il faudrait faire, que je ne fais
pas. On ne m'a pas appris. Cette année, j'ai beaucoup vieilli. J'ai fumé huit
mille cigarettes. Souvent j'ai eu mal à la tête. Il doit pourtant y avoir une
façon de vivre ; quelque chose que je ne trouve pas dans les livres. Il y a des
êtres humains, il y a des personnages ; mais d'une année sur l'autre c'est à
peine si je reconnais leurs visages.
Je
ne respecte pas l'homme ; cependant, je l'envie.
(Renaissance)
NO ES ESO...
No
es eso. Trato de conservar mi cuerpo en buen estado. Quizás esté muerto, no lo
sé. Hay algo que habría que hacer y que no hago. No me lo han enseñado. Este
año he envejecido mucho. He fumado ocho mil cigarrillos. Me ha dolido, a
menudo, la cabeza. No obstante debe haber una manera de vivir; algo que no se
encuentra en los libros. Hay seres humanos, hay personajes; pero de un año al
otro apenas si reconozco las caras.
No
respeto al hombre; sin embargo, lo envidio.
PARIS-DOURDAN
À
Dourdan, les gens crèvent comme des rats. C'est du moins ce que prétend Didier,
un secrétaire de mon service. Pour rêver un peu, je m'étais acheté les horaires
du RER - ligne C. J'imaginais une maison, un bull-terrier et des pétunias. Mais
le tableau qu'il me traça de la vie à Dourdan était nettement moins idyllique :
on rentre le soir à huit heures, il n'y a pas un magasin ouvert ; personne ne
vient vous rendre visite, jamais ; le week-end, on traîne bêtement entre son
congélateur et son garage. C'est donc un véritable réquisitoire anti-Dourdan
qu'il conclut par cette formule sans nuance : "À Dourdan, tu crèveras
comme un rat."
Pourtant
j'ai parlé de Dourdan à Sylvie, quoiqu'à mots couverts et sur un ton ironique.
Cette fille, me disais-je dans l'après-midi en faisant les cent pas, une
cigarette à la main, entre le distributeur de café et le distributeur de
boissons gazeuses, est tout à fait le genre à désirer habiter Dourdan ; s'il y
a une fille que je connaisse qui puisse avoir envie d'habiter Dourdan, c'est bien
elle ; elle a toute à fait la tête d'une pro-dourdannaise.
Naturellement,
ce n'est là que l'esquisse d'un premier mouvement, d'un tropisme lent qui me
porte vers Dourdan et qui mettra peut-être des années à aboutir, probablement
même qui n'aboutira pas, qui sera contrecarré et anéanti par le flux des
choses, par l'écrasement permanent des circonstances. On peut supposer sans
grand risque d'erreur que je n'atteindrai jamais Dourdan ; sans doute même
serais-je brisé avant d'avoir dépassé Brétigny. Il n'empêche, chaque homme a
besoin d'un projet, d'un horizon et d'un ancrage. Simplement, simplement pour
survivre.
(Renaissance)
PARIS-DOURDAN
En
Dourdan la gente revienta como ratas. Al menos, es lo que asegura Didier, uno
de los secretarios de la oficina en que trabajo. Para soñar un poco, yo me
había comprado el horario del RER - línea C. Me imaginaba una casa, un
bull-terrier y petunias. Pero el cuadro que él me pintó de la vida en Dourdan
era mucho menos idílico: vuelta a casa a las ocho de la noche, no hay ninguna
tienda abierta; nadie viene nunca a visitarnos; el fin de semana uno se
arrastra estúpidamente entre el congelador y el garaje. Un verdadero alegato
anti-Dourdan, que Didier acabó con esta fórmula sin matices: "En Dourdan
vas a reventar como una rata".
Sin
embargo, le hablé de Dourdan a Sylvie, aunque con medias palabras y en un tono
irónico. Esta chica, me decía a mí mismo esa tarde, yendo y viniendo con un
cigarrillo en la mano, entre el distribuidor de café y el distribuidor de
refrescos, es de las de las que vivirían de buena gana en Dourdan; si hay una
chica entre todas las que conozco que podría querer vivir en Dourdan, es
precisamente ella; tiene todo el aspecto de una pro-dourdanesa.
Naturalmente
no éste sino el amago de un primer movimiento, de un lento tropismo que me
lleva hacia Dourdan y que quizás tarde años en concretarse, y que incluso ni
siquiera se concrete, que será contrarrestado y aniquilado por el fluir de las
cosas, por el aplastamiento constante de las circunstancias. Es posible
suponer, sin mayor riesgo de error, que nunca llegaré a Dourdan; tal vez hasta
sea derrotado antes de ir más allá de Brétigny. No importa, todo hombre
necesita un proyecto, un horizonte y un lugar de anclaje. Simplemente,
simplemente para sobrevivir.
DERNIER REMPART CONTRE LE LIBÉRALISME
Nous
refusons l'idéologie libérale au nom de l'encyclique de Léon XIII sur la
mission sociale de l'Évangile et dans le même esprit que les prophètes antiques
appelaient la ruine et la malédiction sur la tête de Jérusalem,
Et
Jérusalem tomba, et pour se relever elle ne mis pas moins de quatre mille ans.
Il
est indiscutable et avéré que tout projet humain se voit de plus en plus évalué
en fonction de purs critères économiques,
De
critères absolument numériques,
Mémorisables
sur fichiers informatiques.
Cela
n'est pas acceptable et nous devons lutter pour la mise en tutelle de
l'économie et pour sa soumission à certains critères que j'oserai appeler éthiques,
Et
quand on licencie trois mille personnes et que j'entends bavasser sur le coup
social de l'opération il me prend une envie furieuse d'étrangler une
demi-douzaine de conseillers en audit,
Ce
qui serait une excellente opération,
Un
dégraissage absolument bénéfique,
Une
opération pratiquement hygiénique.
Faites
confiance à l'initiative individuelle, voilà ce qu'ils répètent partout, ce
qu'ils vont partout répétant comme ces vieux réveils à ressort dont l'uniforme
déclic suffisait généralement à nous plonger dans une insomnie fatigante et
définitive,
À
cela je ne peut répondre qu'une seule chose, et cette chose ressort d'une
expérience à la fois navrante et répétitive,
C'est
que l'individu, je veux parler de l'individu humain, et, très généralement un
petit animal à la fois cruel et misérable,
Et
qu'il serait bien vain de lui faire confiance à moins qu'il ne se voit
repoussé, enclos et maintenu dans les principes rigoureux d'une morale
inattaquable,
Ce
qui n'est pas le cas.
Dans
une idéologie libérale, s'entend.
ÚLTIMO BASTIÓN CONTRA EL LIBERALISMO
Rechazamos
la ideología liberal porque es incapaz de darle un sentido, una vía, a la
reconciliación del individuo con su semejante en una comunidad que podríamos
calificar de humana,
Y,
por otra parte, el fin que ésta se propone es incluso totalmente diferente.
Rechazamos
la ideología liberal en nombre de la encíclica de León XIII sobre la misión
social del Evangelio y con el mismo espíritu conque los antiguos profetas
impetraban la ruina y la maldición sobre la cabeza de Jerusalén,
Y
Jerusalén cayó, y no tardó menos de cuatro mil años en volver a levantarse.
Es
indiscutible y está comprobado que todo proyecto humano se evalúa cada vez en
función de meros criterios económicos.
De
criterios absolutamente numéricos,
Memorizables
en archivos informáticos.
Esto
no es aceptable y debemos luchar por que la economía sea puesta bajo tutela y
por que se la someta a ciertos criterios que me atreveré a llamar éticos,
Y
cuando echan a tres mil personas y oigo charlatanear sobre el costo social de
la operación Me entran ganas furiosas de estrangular a una media docena de
auditores,
Lo
que sería una excelente operación,
Una
limpieza absolutamente benéfica,
Una
operación prácticamente higiénica.
Tengan
confianza en la iniciativa individual, eso es lo que repiten por todas partes,
lo que van repitiendo por todas partes, como esos viejos despertadores a cuerda
cuya campanilleo uniforme bastaba por lo general para hundirnos en un insomnio
extenuante y definitivo,
No
tengo para esto más que una respuesta, y esta respuesta surge de una
experiencia al mismo tiempo desconsoladora y repetitiva,
Es
que el individuo, quiero decir el individuo humano, es por regla general un
animalito a la vez cruel y miserable,
Y
que sería muy en vano tenerle confianza a menos que sea acorralado, encerrado y
mantenido entre los principios rigurosos de una moral inatacable,
Lo
que no es el caso.
En
una ideología liberal, se entiende.