miércoles, 11 de agosto de 2010

Guy de Maupassant: El señor Yocasta

MONSIEUR JOCASTE


Madame, vous rappelez-vous notre grande querelle, un soir, dans le petit salon japonais, à propos de ce père qui commit un inceste ? Vous rappelez-vous votre indignation, les mots violents que vous me jetiez, toute l'exaltation de votre colère, et vous rappelez-vous tout ce que j'ai dit pour défendre cet homme ? Vous m'avez condamné. J'en appelle.
Personne au monde, prétendiez-vous, personne ne pourrait absoudre l'infamie dont je me faisais l'avocat. Je vais aujourd'hui raconter ce drame en public.
Peut-être se trouvera-t-il quelqu'un, non pour excuser le fait immonde et brutal, mais pour comprendre qu'on ne peut lutter contre certaines fatalités qui semblent des fantaisies horribles de la nature toute-puissante !


On l'avait mariée à seize ans, avec un homme vieux et dur, un homme d'affaires, avide de sa dot. C'était une mignonne créature blonde, gaie et rêveuse en même temps, avec de grands appétits de bonheur idéal. La désillusion lui tomba sur le cœur et le broya. Elle comprit tout d'un coup la vie, l'avenir perdu, le désastre de ses espérances, et un seul désir lui demeura dans l'âme, celui d'avoir un enfant pour occuper son amour.
Elle n'en eut pas.
Deux ans se passèrent. Elle aima. C'était un jeune homme de vingt-trois ans, qui l'adorait à commettre toutes les folies pour elle. Elle résista cependant résolument et longtemps. Il s'appelait Pierre Martel.
Mais, un soir d'hiver, ils se trouvèrent seuls, chez elle. Il était venu prendre une tasse de thé. Puis ils s'étaient assis, tout près du feu, sur un siège bas. Ils ne parlaient guère, harponnés par le désir, les lèvres pleines de cette soif sauvage qui les jette sur d'autres lèvres, les bras frémissants du besoin de s'ouvrir et d'étreindre.
La lampe voilée de dentelles versait une lumière intime dans le salon silencieux. Gênés tous deux, ils prononçaient parfois quelques mots, mais quand les yeux se rencontraient, une secousse soulevait leurs cœurs.
Que peuvent les sentiments appris contre la violence des instincts ? Que peut le préjugé de la pudeur contre l'irrésistible volonté de la nature ?
Leurs doigts, par hasard, se touchèrent. Et cela suffit. La force brutale des sens les jeta l'un à l'autre. Ils s'étreignirent et elle s'abandonna.
Elle fut grosse. De son amant ou de son mari ? Le pouvait-elle savoir ? Mais de l'amant, sans doute.
Alors une épouvante la harcela ; elle se croyait certaine de mourir en couches, et sans cesse elle faisait jurer à celui qui l'avait ainsi possédée de veiller sur l'enfant durant toute sa vie, de ne rien lui refuser, d'être tout pour lui, tout, et même, s'il le fallait, de commettre un crime pour son bonheur.
Cette obsession touchait à la folie ; elle s'exaltait de plus en plus en approchant de sa délivrance. Elle succomba en accouchant d'une fille.


Ce fut pour le jeune homme un désespoir épouvantable, un désespoir si furieux qu'il ne pouvait le cacher. Le mari, peut-être, eut des doutes ; peut-être savait-il que sa fille ne pouvait être née de lui ! Il ferma sa porte à celui qui se croyait le père véritable et lui cacha l'enfant qu'il fit élever en secret.
Et beaucoup d'années s'écoulèrent.
Pierre Martel oublia, comme on oublie tout. Il devint riche, mais il n'aima plus et ne se maria pas. Sa vie était celle de tout le monde, celle d'un homme heureux et tranquille. Aucune nouvelle ne lui venait plus de l'époux qu'il avait trompé, ni de la jeune fille qu'il supposait sienne.
Or, il reçut un matin une lettre d'un indifférent lui apprenant, par hasard, la mort de son ancien rival ; et un trouble vague, une sorte de remords l'envahit. Qu'était devenue cette enfant, son enfant ? Ne pouvait-il rien pour elle ? Il s'informa. Elle avait été recueillie par une tante, et elle était pauvre, pauvre à toucher la misère.
Il voulut la voir et l'aider. Il se fit présenter chez la seule parente de l'orpheline.
Son nom n'éveilla aucun souvenir. Il avait quarante ans et semblait encore un jeune homme. On le reçut sans qu'il osât dire qu'il avait connu la mère, de crainte de faire naître plus tard quelque soupçon.
Or, dès qu'elle entra dans le petit salon où il attendait anxieusement sa venue, il tressaillit d'une surprise qui touchait à l'épouvante. C'était elle ! l'autre ! la morte !
Elle avait le même âge, les mêmes yeux, les mêmes cheveux, la même taille, le même sourire, la même voix. L'illusion si complète l'affolait ; il ne savait plus, il perdait la tête ; tout son amour tumultueux d'autrefois bouillonnait dans le fond de son cœur. Elle aussi était gaie et simple. Tout de suite amis et la main tendue.
Quand il fut rentré chez lui, il s'aperçut que la vieille souffrance s'était rouverte, et il pleura éperdument, la tête enfermée en ses mains, il pleura l'autre, hanté de souvenirs, poursuivi par les mots familiers qu'elle disait, retombé soudain dans un désespoir sans issue.
Et il fréquenta la maison qu'habitait la jeune fille. Il ne pouvait plus se passer d'elle, de sa causerie rieuse, du bruit de sa robe, des intonations de sa parole. Il les confondait maintenant en sa pensée et dans son cœur, la disparue et la vivante, oubliant la distance, le temps passé, la mort, aimant toujours l'autre en celle-ci, aimant celle-ci en souvenir de l'autre, ne cherchant plus à comprendre, à savoir, ne se demandant même plus si elle pouvait être sa fille.
Mais parfois la vue de la gêne ou vivait celle qu'il adorait de cette passion double, confuse et incompréhensible pour lui-même, le torturait affreusement.
Que pouvait-il faire ? Offrir de l'argent ? A quel titre ? De quel droit ? Jouer le rôle de tuteur ? Il semblait à peine plus vieux qu'elle : on l'aurait cru son amant. La marier ? Cette pensée, surgie soudain en son âme, l'épouvanta. Puis il s'apaisa. Qui donc voudrait d'elle ? Elle n'avait rien, mais rien.
La tante le regardait venir, voyant bien qu'il aimait cette enfant. Et il attendait. Quoi ? le savait-il ?
Un soir, ils se trouvèrent seuls. Ils causaient doucement, côte à côte, sur le canapé du petit salon. Tout à coup il lui prit la main dans un mouvement paternel. Et il la garda, troublé du cœur et des sens malgré sa volonté, n'osant plus repousser cette main qu'elle lui abandonnait, et se sentant défaillir s'il la gardait. Et brusquement elle se laissa tomber dans ses bras. Car elle l'aimait ardemment, comme sa mère l'avait aimé, comme si elle eût hérité de cette passion fatale.
Éperdu, il posa ses lèvres dans ses cheveux blonds, et comme elle relevait la tête pour s'enfuir, leurs deux bouches se rencontrèrent.
On devient fou en certains moments. Ils le furent.
Quand il se retrouva dans la rue, il se mit à marcher devant lui sans savoir ce qu'il allait faire.


Je me rappelle, madame, votre cri indigné : "Il n'avait plus qu'à se tuer !"
Je vous ai répondu : "Et elle ? fallait-il qu'il la tuât aussi ?"
Cette enfant l'aimait avec égarement, avec folie, de cette passion fatale et héréditaire qui l'avait abattue, vierge ignorante et éperdue sur la poitrine de cet homme. Elle avait agi ainsi dans cette irrésistible ivresse de l'être entier qui ne sait plus, qui se donne, que l'instinct tumultueux emporte, jette à l'étreinte d'un amant, comme il jette la bête au mâle.
S'il se tuait, que deviendrait-elle ?... Elle mourrait !... Elle mourrait déshonorée, désespérée, abominablement torturée.
Que faire ?
L'abandonner, la doter, la marier ?... Elle mourrait encore ; elle mourrait de chagrin, sans accepter son argent ni un autre époux, puisqu'elle s'était livrée à lui. Il avait brisé sa vie, détruit tout bonheur possible pour elle ; il l'avait condamnée à l'éternelle misère, l'éternel désespoir, aux flammes éternelles, à l'éternelle solitude ou à la mort.
Et puis, il l'aimait aussi, lui ! Il l'aimait avec horreur, maintenant, mais aussi avec emportement. C'était sa fille, soit. Le hasard des fécondations, la loi brutale de la reproduction, un contact d'une seconde avaient fait sa fille de cet être qu'aucun lien légal n'attachait à lui, qu'il chérissait comme il avait chéri sa mère, et même plus, comme si deux passions se fussent accumulées en lui.
Était-elle bien sa fille d'ailleurs ? Et puis, qu'importe ? Qui donc le saurait ?
Et le souvenir ardent lui revenait des serments faits à la mourante. Il avait promis qu'il donnerait toute sa vie à cette enfant, qu'il commettrait un crime s'il le fallait pour son bonheur.
Et il l'aimait, se plongeant dans la pensée de son forfait abominable et doux, déchiré de douleur et ravagé de désirs. Qui donc le saurait ?... puisque l'autre était mort, le père !
"Soit ! se dit-il ; ce secret infâme pourra me rompre le cœur. Comme elle ne le saurait soupçonner, j'en porterai seul le poids."
Il demanda sa main, et l'épousa.
Je ne sais s'il fut heureux, mais j'aurais fait comme lui, madame.

23 janvier 1883.


GUY DE MAUPASSANT



EL SEÑOR YOCASTA


¿Recuerda, señora, la viva discusión que tuvimos cierta noche en el saloncito japonés, acerca de aquel padre que cometió un incesto? ¿Recuerda lo indignada que estaba usted, las palabras violentas que me dirigía, su cólera exaltada? ¿Y recuerda todo lo que yo dije en defensa de aquel hombre? Usted me condenó. Apelo.
Nadie en el mundo, sostenía usted, nadie podría disculpar la infamia de la que yo me hacía abogado defensor. Hoy contaré públicamente ese drama.
Acaso pueda existir alguien capaz, no de disculpar el hecho inmundo y brutal, sino de comprender que no es posible luchar contra ciertas fatalidades que parecen ocurrencias horribles de la naturaleza omnipotente.


La habían casado a los dieciséis años con un hombre viejo y duro, un hombre de negocios que sólo codiciaba la dote. Era una preciosa muchacha rubia, alegre y soñadora al mismo tiempo, con un ansia enorme de felicidad ideal.
La desilusión cayó sobre su corazón y lo aplastó. De golpe comprendió lo que era la vida, la pérdida de su porvenir, la ruina de sus esperanzas, y le quedó un solo deseo en el alma, el de tener un hijo a quien darle su amor.
No lo tuvo.
Pasaron dos años. Se enamoró. Era un joven de veintitrés años de edad, que la adoraba hasta el punto de ser capaz de cualquier locura por ella. Sin embargo ella resistió, resueltamente y durante mucho tiempo. Se llamaba Pierre Martel.
Pero cierta tarde de invierno se encontraron, a solas, en casa de ella. Él había ido a tomar una taza de té. Luego se sentaron junto al fuego, en un asiento bajo. Casi no hablaban, aguijoneados por el deseo, con los labios llenos de esa sed salvaje que los empuja hacia otros labios, con los brazos a los que hacía temblar el ansia de abrirse y abrazar.
La lámpara, velada con encajes, arrojaba una luz íntima en el salón silencioso. Ambos se sentían incómodos, a veces pronunciaban una que otra palabra, pero cuando sus miradas se cruzaban, el corazón les daba un vuelco.
¿Qué pueden hacer los sentimientos adquiridos por medio de la educación contra la violencia de los instintos? ¿Qué puede hacer el prejuicio del pudor contra la irresistible voluntad de la naturaleza?
Sus dedos se tocaron por casualidad. Y eso bastó. La fuerza brutal de los sentidos los arrojó el uno hacia el otro. Se estrecharon y ella se entregó.
Quedó embarazada. ¿Del amante o del marido? ¿Cómo podía saberlo? Del amante, quizás.
Entonces la acosó el terror; estaba segura de que moriría al dar a luz, y constantemente le hacía jurar al que así la había poseído que cuidaría al niño durante toda su vida, que no le negaría nada, que sería todo para él, todo, y que, si fuese necesario para hacerlo feliz, sería capaz hasta de cometer un crimen.
Su obsesión llegaba casi a la locura; se exaltaba cada vez más a medida que se acercaba al parto. Sucumbió al dar a luz a una niña.


Para el joven aquello fue una desesperación espantosa, una desesperación tan rabiosa que no podía ocultarla. Quizás el marido tuvo dudas; quizás sabía que la niña no podía ser suya. Le cerró la puerta al que creía ser el verdadero padre, y le ocultó la niña, a la que hizo criar en secreto.
Y pasaron muchos años.
Pierre Martel olvidó, como todo se olvida. Se hizo rico, pero no volvió a enamorarse y no se casó. Llevaba la vida de todo el mundo, la de un hombre feliz y tranquilo. Ya no tenía noticia alguna del esposo al que había engañado, ni de la joven que, según suponía, era hija suya.
Pero cierta mañana recibió una carta de un tercero que le informaba incidentalmente de la muerte de su antiguo rival; y lo invadió un vago malestar, una especie de remordimiento. ¿Qué habría sido de aquella niña, de su hija? ¿No podría hacer algo por ella? Averiguó. La había recogida una tía, y era pobre, pobre casi hasta la miseria.
Quiso verla y ayudarla. Hizo que lo presentasen en casa de la única parienta de la huérfana.
Su apellido no despertó ningún recuerdo. Tenía cuarenta años y todavía parecía un muchacho. Cuando lo recibieron, no se atrevió a decir que había conocido a la madre, por temor a despertar más tarde alguna sospecha.
Pero en cuanto ella entró en el saloncito en que él esperaba ansiosamente su llegada, Pierre tuvo un estremecimiento de sorpresa que lindaba con el espanto. ¡Era ella! ¡La otra! ¡La muerta!
Tenía la misma edad, los mismos ojos, el mismo pelo, la misma altura, la misma sonrisa, la misma voz. La ilusión era tan completa que lo enloquecía; no sabía qué pensar, perdía la cabeza; todo el amor tumultuoso de otros tiempos bullía en lo hondo de su corazón. También ella era alegre y sencilla. Amistad inmediata y mano tendida.
Ya de regreso en su casa, advirtió que la antigua herida se había vuelto a abrir, y lloró desconsoladamente con la cabeza entre las manos, lloró a la otra, acosado por los recuerdos, perseguido por las frases familiares que ella decía, hundido de pronto en una desesperación sin salida.
Y se puso a frecuentar la casa en que vivía la joven. Ya no podía prescindir de ella, de su charla risueña, del susurro de su vestido, de las entonaciones de su voz. Ahora confundía en su mente y en su corazón a las dos, a la difunta y a la viva, olvidando la distancia, el tiempo pasado, la muerte; seguía amando a la otra en ésta, amaba a ésta en recuerdo de la otra, sin tratar ya de entender, de saber, sin preguntarse ya siquiera si podía ser su hija.
Pero a veces, al ver la estrechez en que vivía la mujer a la que él adoraba con aquella pasión doble, confusa e incomprensible para él mismo, sufría horriblemente.
¿Qué podía hacer? ¿Ofrecer dinero? ¿A título de qué? ¿Con qué derecho? ¿Asumir el papel de tutor? Parecía apenas mayor que ella: lo hubieran tomado por su amante. ¿Casarla? Esta idea, que surgió de pronto en su alma, lo horrorizó. Luego se calmó. ¿Quién la querría? No tenía nada, absolutamente nada.
La tía, viendo su afecto por la joven, adivinaba sus intenciones. Y él esperaba... ¿qué? ¿Acaso lo sabía?
Una tarde se encontraron a solas. Conversaban tranquilamente, uno al lado del otro, sentados en el sofá del saloncito. De pronto él le tomó la mano, movido por un impulso paternal. Y la retuvo, turbado a pesar suyo en el corazón y en los sentidos, sin atreverse ya a rechazar esa mano que ella le entregaba y sintiendo a la vez que flaquearía si la retenía. Y bruscamente ella se dejó caer en sus brazos. Porque lo amaba apasionadamente, así como su madre lo había amado, como si hubiese heredado aquella pasión fatal.
Perdidamente, él le besó el pelo rubio, y cuando ella levantó la cabeza para salir huyendo, sus bocas se encontraron.
Hay momentos en que nos volvemos locos. Eso les ocurrió a ellos.
Ya de nuevo en la calle, Pierre echó a andar sin rumbo fijo, sin saber lo que iba a hacer.


Recuerdo, señora, cómo gritó usted, indignada: «¡Ya no le quedaba más que matarse!»
Yo le contesté: «¿Y ella? ¿También tenía que matarla?»
La muchachita lo amaba perdidamente, locamente, con esa pasión fatal y hereditaria que la había derribado, virgen ignorante y frenética, sobre el pecho de aquel hombre. Había actuado así movida por esa irresistible embriaguez de todo el ser que ya no sabe más, que se entrega, al que arrastra el instinto tumultuoso, arrojándolo entre los brazos de un amante así como arroja al animal hembra hacia el macho.
¿Qué sería de ella si él se mataba?... ¡Se moriría!... Moriría deshonrada, desesperada, horriblemente atormentada.
¿Qué hacer?
¿Abandonarla, darle una dote, casarla?... Igualmente moriría; moriría de pena, sin aceptar ni su dinero ni otro esposo, ya que se había entregado a él. Había destrozado su vida, había destruido toda posible felicidad para ella; la había condenado a una eterna aflicción, a una desesperación eterna, a un fuego eterno, a una soledad eterna o a la muerte.
Y además, él la amaba. ¡La amaba con horror, ahora, pero también apasionadamente! Era su hija, de acuerdo. El azar de las fecundaciones, la ley brutal de la reproducción, un contacto de un segundo, habían hecho que fuese su hija aquel ser que no estaba unido a él por ningún vínculo legal, al que quería como había querido a su madre y aún más, como si en él se hubieran sumado dos pasiones.
Por otra parte, ¿era realmente su hija? De todos modos, ¿qué importaba eso? ¿Quién iba a saberlo?
Y le volvía a la memoria el recuerdo ardiente de las promesas hechas a la moribunda. Había jurado que consagraría toda su vida a la niña, que si era necesario cometería un crimen para hacerla feliz.
Y la amaba, hundiéndose en la idea de su crimen abominable y dulce, desgarrado por el dolor y arrasado por el deseo. ¿Quién iba a saberlo?..., ¡si el otro, el padre, estaba muerto!
«¡De acuerdo! —se dijo—, este secreto infame podrá destrozarme el corazón. Como ella será incapaz de sospecharlo, cargaré yo solo con él.»
Pidió su mano y se casó con ella.
No sé si fue feliz, pero yo, señora, hubiera hecho como él.


23 de enero de 1883.


Traducción de Carlos Cámara y Miguel Ángel Frontán

  

domingo, 1 de agosto de 2010

Théophile Gautier y Carlos Pujol


Ce que disent les hirondelles

Chanson d'automne

Déjà plus d'une feuille sèche
Parsème les gazons jaunis ;
Soir et matin, la brise est fraîche,
Hélas ! les beaux jours sont finis !

On voit s'ouvrir les fleurs que garde
Le jardin, pour dernier trésor :
Le dahlia met sa cocarde
Et le souci sa toque d'or.

La pluie au bassin fait des bulles ;
Les hirondelles sur le toit
Tiennent des conciliabules :
Voici l'hiver, voici le froid !

Elles s'assemblent par centaines,
Se concertant pour le départ.
L'une dit : " Oh ! que dans Athènes
Il fait bon sur le vieux rempart !

" Tous les ans j'y vais et je niche
Aux métopes du Parthénon.
Mon nid bouche dans la corniche
Le trou d'un boulet de canon. "

L'autre : " J'ai ma petite chambre
A Smyrne, au plafond d'un café.
Les Hadjis comptent leurs grains d'ambre
Sur le seuil d'un rayon chauffé.

" J'entre et je sors, accoutumée
Aux blondes vapeurs des chibouchs,
Et parmi les flots de fumée,
Je rase turbans et tarbouchs. "

Celle-ci : " J'habite un triglyphe
Au fronton d'un temple, à Balbeck.
Je m'y suspends avec ma griffe
Sur mes petits au large bec. "

Celle-là : " Voici mon adresse :
Rhodes, palais des chevaliers ;
Chaque hiver, ma tente s'y dresse
Au chapiteau des noirs piliers. "

La cinquième : " Je ferai halte,
Car l'âge m'alourdit un peu,
Aux blanches terrasses de Malte,
Entre l'eau bleue et le ciel bleu. "

La sixième : " Qu'on est à l'aise
Au Caire, en haut des minarets !
J'empâte un ornement de glaise,
Et mes quartiers d'hiver sont prêts. "

" A la seconde cataracte,
Fait la dernière, j'ai mon nid ;
J'en ai noté la place exacte,
Dans le pschent d'un roi de granit. "

Toutes : " Demain combien de lieues
Auront filé sous notre essaim,
Plaines brunes, pics blancs, mers bleues
Brodant d'écume leur bassin ! "

Avec cris et battements d'ailes,
Sur la moulure aux bords étroits,
Ainsi jasent les hirondelles,
Voyant venir la rouille aux bois.

Je comprends tout ce qu'elles disent,
Car le poète est un oiseau ;
Mais, captif ses élans se brisent
Contre un invisible réseau !

Des ailes ! des ailes ! des ailes !
Comme dans le chant de Ruckert,
Pour voler, là-bas avec elles
Au soleil d'or, au printemps vert !

THÉOPHILE GAUTIER



Lo que dicen las golondrinas

Canción de otoño

Aquí y allá se ven las secas hojas
sobre campos de hierba amarillenta;
desde el alba a la noche el viento es fresco,
éste es el fin del tiempo de verano.

Veo abrirse las flores que conserva
el jardín como un último tesoro:
quiere lucir la dalia su divisa,
la maravilla su dorada toca.

La lluvia en el estanque hace burbujas;
y tienen conciliábulos extraños
las golondrinas sobre los tejados:
¡Ya ha llegado el invierno con sus fríos!

Se reúnen por cientos con el fin
de llegar a un acuerdo sobre su éxodo.
Una dice: «Qué bien se está en Atenas,
viéndolo todo desde la muralla.

Todos los años voy allí y anido en
metopas del mismo Partenón.
En los frisos mi nido disimula
el hueco de una bala de cañón.»

Otra dice: «Yo tengo mi cuartito
en Esmirna, en el techo de un café;
sus granos de ámbar cuentan los hayíes (1)
en el umbral que recalienta el sol.

Entro y salgo, avezada como estoy
a los rubios vapores de las pipas,
y entre mares humosos rozo siempre
los turbanes y feces al pasar.»

Ésta dice: «Yo habito en un triglifo,
en el frontón de un templo, allá en Baalbek;
allí me poso y me sujeto, encima
de mis crías de pico puntiagudo.»

Otra dice: «Sabed mi dirección:
Rodas, palacio de los caballeros; (2)
cada invierno mi tienda se alza allí
en capiteles de negros pilares.»

Y la quinta: «Yo voy a descansar,
pues la edad no permite largos vuelos,
en las blancas terrazas que hay en Malta,
entre el azul del agua y el del cielo.»

La sexta: «¡Hay que ver qué bien se está
en El Cairo y sus altos minaretes!
Recubro con el barro un ornamento
y mi cuartel de invierno ya está listo.»

«Pues yo tengo mi nido», dice la última
«donde está la segunda catarata; (3)
el exacto lugar está indicado
en el psen de un monarca de granito».

«Mañana cuántas leguas», dicen todas,
«nuestra bandada habrá dejado atrás,
pardas llanuras, picos blancos, mares
azules con bordados espumosos».

Entre tanto chillido y aleteo,
sobre estrechas cornisas de la altura,
conversan entre sí las golondrinas
viendo cómo la herrumbre invade el bosque.

Comprendo las palabras que se dicen
porque al fin el poeta es como un pájaro;
pero, ay, está cautivo, y sus impulsos
se rompen contra redes invisibles.

¡Alas quiero tener, dadme unas alas!,
como dice aquel cántico de Rückert, (4)
para volar con ellas hacia el oro
del sol, hacia la primavera verde.

Traducción de CARLOS PUJOL

NOTAS
(1) Se da el título de hayí al musulmán que ha realizado la peregrinación a La Meca y Medina.
(2) De la orden de San Juan de Jerusalén, que conquistaron la isla a comienzos del siglo XIV.
(3) Del Nilo.
(4) Poeta alemán (1788-1866) autor de una composición donde pide alas para volar, y que el propio Gautier había traducido en 1856.

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