LA MEDUSA ASTRUC
CARTA DE BARBEY D’AUREVILLY A LÉON BLOY
Valognes, 18 de septiembre.
Aquí van mis saetas.
Que lo colmen a usted de valor y, en lugar de muerte y sufrimiento, le den vida...
¡Que le devuelvan el corazón y la fe en sí mismo, como tuve la suerte de devolvérsela a mi querido Maurice de Guérin!
I
La otra —la de Minerva y la de Júpiter— petrificaba a los monstruos y transformaba en bloques inertes a los enemigos colosales de los Dioses del Olimpo. Todo lo que se alzaba contra ellos, fueran hombren o animales, podía encontrarse, a medio camino de sus cielos infranqueables, con el chorro exterminador de los ojos muertos y fijos de la Gorgona decapitada [Aquí hay un estilo que Buffon habría calificado, por la forma en que se mueve y camina, de articulaciones de león]. Ese era el tormento de los orgullosos y de los rebeldes a los que espantantaba el rayo, y la Musa velada de esa fabulosa tradición pensó, sin duda, que era digno de la ira de los Dioses de los mortales inmortalizar así —en la insolente estupidez de su desdén y en la amenazadora inmovilidad de su gesto— a esos indómitos Sublevados de la tierra que se medían —¡como siempre!— con su propia insolencia y que los truenos vengadores [Es membrudo y potente, cargado, sí, pero no pesado] podrían haber hecho aún más grandes —¡golpeándolos!
II
Pero ésta —esta nueva Medusa que nuestro último escultor ha plantado, para espanto y petrificación de los burgueses de la tierra, sobre la Égida de su joven gloria—, este busto de Medusa, vivo, fulgurante, extraordinario, no tiene otra inmortalidad para comunicar que la que recibió del artista omnipotente que, como Dios, la hizo salir de un montón de barro, y la del hombre aún más asombroso de quien es la imagen. ¡Oh poder misterioso del Arte! cuando tantas almas ya no pueden ser impregnadas por ti —¡bien lo saben ustedes, artistas y poetas desdichados!—, cuando hay tantos corazones tan sobrenaturalmente pesados que nada, nada tuyo puede, por última vez, hacerlos palpitar; ¡oh santo vengador de todas las grandezas despreciadas —empezando por la tuya—, este es pues tu supremo esfuerzo! ¡Ah! esta obra es aún más bella y más fuerte que la Muerte, que el Dolor y que el Desprecio, esa triple diadema de los que hoy buscan la Belleza en la tierra, y si los hombres un día ya no quieren saber nada contigo, oh Facultad divina, puedes, entretanto, humillarlos una vez más y —con el rayo de la MEDUSA-ASTRUC, atormentar una vez más a tus abyectos atormentadores!
III
¿Y cómo puede entonces el odioso, el vil burgués, esa alma baja y sórdida con la que el primer canalla triunfante puede hacer una alfombra para sus pies, ese cobarde y tembloroso proveedor de la envidia humana —de quien los ultrajes son el más bello laurel del genio y las alabanzas el más deshonroso fango donde puede sumergirse la punta de la gran ala azul de las aves del séptimo cielo—, ¿cómo pretender que, en una ocasión semejante, ese vientre social no se sienta humillado, horripilado y profundamente atormentado? ¡Es una obra estatuaria, de una belleza inaudita, aterradora, capaz de hacer bajar del cielo a las catorce Dominaciones que custodiaban al viejo Miguel Ángel! Mis ojos la han contemplado muchas veces, y esa visión aún perdura. En mi memoria se yergue como un sueño de grandeza más que humana, pesadilla de desesperante superioridad que oprime mi corazón con su divino agobio. Ojalá pudiera contársela a ustedes tal como la vi pasar por mi alma. Pero cuando es preciso, con débiles palabras, balbuceadas por hombres más débiles, esculpir exteriormente nuestros entusiasmos y los misteriosos poemas de nuestros recuerdos [Todo esto es muy grande, de un bello giro poético, -y byroniano]; —¡ay Dios mío! nuestros pensamientos se demoran entonces en nuestros pensamientos, nuestra memoria no es más que una ruina llena de tristezas heladas y de ecos fúnebres, y nuestros propios sonidos, más hostiles y más pesados que esos impenetrables cielos extendidos sobre nuestras cabezas ante la frente ofendida de la Majestad divina, nuestros sentidos curiosos y ávidos nos arrojan sobre esta dura tierra impregnada con la amargura de las lágrimas que, desde hace seis mil años, la dolorosa humanidad derrama sobre ella!...
(continuará)
LÉON BLOY
Traducción, para Literatura & Traducciones de Miguel Ángel Frontán
Valognes, 18 septembre.
Voici mes sagettes.
Qu’elles vous pénètrent de courage et qu’au lieu de la mort et de la souffrance, elles vous donnent la vie…
Que je vous relève le cœur et la foi en vous, comme j’ai eu le bonheur des les relever à mon bien-aimé Maurice de Guérin !
J. Barbey d’Aurevilly
LA MÉDUSE-ASTRUC
I
L’autre, — celle de Minerve et de Jupiter, —
pétrifiait les monstres et transformait en blocs inertes les ennemis démesurés
des Dieux de l’Olympe. Tout ce qui se dressait contre ceux-ci, hommes ou bêtes,
pouvait rencontrer, à moitié chemin de leurs cieux infranchissables, le
jaillissement exterminateur des yeux morts et fixes de la Gorgone décapitée [C’est
là un style que Buffon aurait appelé pour la manière dont il se meut et marche
: des articulations de lion]. C’était là le supplice des orgueilleux et des
révoltés que la foudre n’épouvantait pas, et la Muse voilée de cette fabuleuse
tradition pensa, sans doute, qu’il était digne de la colère des Dieux des
mortels d’immortaliser ainsi, — dans l’insolente stupidité de leur dédain et
dans la menaçante immobilité de leur geste, — ces indomptables Soulevés de la
terre qui se mesuraient, — comme toujours ! — à leur propre insolence et que
les tonnerres vengeurs [C’est membré et
puissant de démarche, chargé, oui, mais pas lourd] eussent pu grandir
encore — en les frappant !
II
Mais celle-ci, –cette nouvelle Méduse que notre dernier sculpteur a plantée, pour l’épouvante et la pétrification des bourgeois de la terre sur l’Égide de sa jeune gloire, — ce buste méduséen, vivant fulgurant, formidable, n’a pas d’autre immortalité à communiquer que celle qu’il a reçue de l’artiste omnipotent qui, comme Dieu, l’a fait sortir d’un tas de boue, et de l’homme plus étonnant encore dont il est l’image. Ô puissance mystérieuse de l’Art ! lorsque tant d’âmes ne peuvent plus être pénétrées par toi, — vous le savez artistes et poëtes infortunés ! — lorsqu’il existe tant de cœurs d’un si surnaturel appesantissement que rien, rien de toi ! ne peut plus les faire, une dernière fois, palpiter ; ô sainte Vengeresse de toutes les grandeurs méprisées, — à commencer par la tienne, — voilà donc ton suprême effort ! Ah ! cette œuvre est encore plus belle et plus forte que la Mort, que la Douleur et que le Mépris, ce triple diadème de ceux qui cherchent aujourd’hui la Beauté sur la terre, et si les hommes, un jour, ne veulent plus de toi, ô Faculté divine, tu peux, en attendant, les humilier encore et, — du coup de foudre de la MÉDUSE-ASTRUC, — désoler une fois de plus tes abjects désolateurs !
III
Et comment donc l’odieux, le vil bourgeois, cette âme basse et sordide dont le premier goujat triomphant peut se faire un tapis pour ses pieds, ce lâche et tremblant pourvoyeur de l’envie humaine, — de qui les outrages sont le plus beau laurier du génie et les louanges le plus déshonorant bourbier où puisse tremper l’extrémité de la grande aile bleue des oiseaux du septième ciel ; — comment voudriez-vous qu’en une telle rencontre, ce ventre social ne fût pas humilié, horripilé et désolé profondément ? Il s’agit d’une œuvre de statuaire, d’une beauté inouïe, effrayante, à faire descendre du ciel les quatorze Dominations qui gardaient le vieux Michel-Ange ! Mes yeux l’ont plusieurs fois contemplée et cette vision dure encore. Elle se dresse dans ma mémoire, comme un rêve d’une grandeur plus qu’humaine, cauchemar de désespérante supériorité qui oppresse mon cœur de son divin accablement. Je voudrais pouvoir vous la raconter telle que je l’ai vue passer à travers mon âme. Mais, quand il faut, avec de faibles mots, balbutiés par de plus faibles hommes, sculpter extérieurement nos enthousiasmes et les mystérieuses poésies de nos souvenirs [Tout cela est très grand, d’un beau tour poétique, — et byronien]; — hélas ! mon Dieu ! nos pensées s’appesantissent alors sur nos pensées, notre mémoire n’est plus qu’une ruine pleine de tristesses glacées et d’échos funèbres, et nos propres sons, plus ennemis et plus pesants que ces impénétrables cieux étendus au-dessus de nos têtes devant le front offensé de la Majesté divine, nos sens curieux et avides nous précipitent sur cette dure terre pénétrée de l’amertume des larmes que, depuis six mille ans, la douloureuse humanité répand sur elle !…