viernes, 6 de noviembre de 2009

Joris-Karl Huysmans y el año litúrgico



L'année liturgique(1)


Seule, l'Eglise, en dressant les reposoirs de l'année liturgique, en forçant les saisons à suivre, pas à pas, la vie du Christ, a su nous tracer le plan des occupations nécessaires, des fins utiles. Elle nous a fourni le moyen de marcher toujours côte à côte avec Jésus, de vivre l'au jour le jour des évangiles ; pour les chrétiens, elle a fait du temps le messager des douleurs et le héraut des joies; elle a confié à l'année le rôle de servante du Nouveau Testament, d'émissaire zélée du culte.

Et Durtal réfléchissait à ce cycle de la liturgie qui débute au premier jour de l'an religieux, à l'Avent, puis tourne d'un mouvement insensible, sur lui-même, jusqu'à ce qu'il revienne à son point de départ, à cette époque où l'église se prépare, par la pénitence et la prière, à célébrer la Noël.

Et, feuilletant son eucologe, voyant ce cercle inouï d'offices, il pensait à ce prodigieux joyau, à cette couronne du roi Recceswinthe que le musée de Cluny recèle.

L'année liturgique n'était-elle pas, comme elle, pavée de cristaux et de cabochons par ses admirables cantiques, par ses ferventes hymnes, sertis dans l'or même des Saluts et des Vêpres?

Il semblait que l'Eglise eût substitué à cette couronne d'épines dont les juifs avaient ceint les tempes du sauveur la couronne vraiment royale du propre du temps, la seule qui fût ciselée dans un métal assez précieux, avec un art assez pur, pour oser se poser sur le front d'un Dieu!

Et la grande Lapidaire avait commencé son oeuvre en incrustant, dans ce diadème d'offices, l'hymne de saint Ambroise, et l'invocation tirée de l'Ancien Testament, le Rorate coeli, ce chant mélancolique de l'attente et du regret, cette gemme fumeuse, violacée, dont l'eau s'éclaire alors qu'après chacune de ses strophes surgit la déprécation solennelle des patriarches appelant la présence tant espérée du Christ.

Et les quatre dimanches de l'Avent disparaissaient avec les pages tournées de l'eucologe ; la nuit de la nativité était venue : après le Jesu redemptor des Vêpres, le vieux chant portugais, l'Adeste fideles, s'élevait, au salut, de toutes les bouches. C'était une prose d'une naïveté vraiment charmante, une ancienne image où défilaient les pâtres et les rois, sur un air populaire approprié aux grandes marches, apte à charmer, à aider, par le rythme en quelque sorte militaire des pas, les longues étapes des fidèles quittant leurs chaumières pour se rendre aux églises éloignées des bourgs.

Et, imperceptiblement, ainsi que l'année, en une invisible rotation, le cercle virait, s'arrêtait à la fête des saints Innocents où s'épanouissait, telle qu'une flore d'abattoir, en une gerbe cueillie sur un sol irrigué par le sang des agneaux, cette séquence rouge et sentant la rose qu'est le Salvete flores martyrum, de Prudence ; - la couronne bougeait et l'hymne de l'épiphanie, le Crudelis Herodes de Sedulius, paraissait à son tour.

Maintenant, les dimanches gravitaient, les dimanches violets où l'on n'entend plus le Gloria in excelsis, où l'on chante l'Audi Benigne de saint Ambroise et le Miserere, ce psaume couleur de cendre qui est peut-être le plus parfait chef-d'oeuvre de tristesse qu'ait puisé, dans ses répertoires de plains-chants, l'Eglise.

C'était le Carême, dont les améthystes s'éteignaient dans le gris mouillé des hydrophanes, dans le blanc embrumé des quartz et l'invocation magnifique l'Attende Domine montait sous les cintres. Issu, comme le Rorate coeli, des proses de l'Ancien Testament, ce chant humilié, contrit, énumérant les punitions méritées des fautes, devenait sinon moins douloureux, en tous cas plus grave encore et plus pressant, lorsqu'il confirmait, lorsqu'il résumait, dans la strophe initiale de son refrain, l'aveu déjà confessé des hontes.

Et, subitement, sur cette couronne éclatait, après les feux las des Carêmes, l'escarboucle en flamme de la passion. Sur la suie bouleversée d'un ciel, une croix rouge se dressait et des hourras majestueux et des cris éplorés acclamaient le fruit ensanglanté de l'arbre; et le Vexilla regis se répétait encore, le dimanche suivant, à la férie des rameaux qui joignait à cette prose de Fortunat l'hymne verte qu'elle accompagnait d'un bruit soyeux de palmes, le Gloria, laus et honor de Théodulphe.

Puis les feux des pierreries grésillaient et mouraient. Aux braises des gemmes succédaient les charbons éteints des obsidiennes, des pierres noires, renflant à peine sur l'or terni, sans un reflet, de leurs montures; l'on entrait dans la semaine sainte; partout le Pange lingua gloriosi et le Stabat gémissaient sous les voûtes; et c'étaient les ténèbres, les lamentations et les psaumes dont le glas faisait vaciller la flamme des cierges de cire brune, et, après chaque halte, à la fin de chacun des psaumes, l'un des cierges expirait et sa fusée de fumée bleue s'évaporait encore dans le pourtour ajouré des arches, lorsque le choeur reprenait la série interrompue des plaintes.

Et la couronne conversait une fois de plus; les grains de ce rosaire musical coulaient encore et tout changeait. Jésus était ressuscité et les chants d'allégresse sautaient des orgues. Le Victimae paschali laudes exultait avant l'évangile des messes et, au salut, l'O filii et filiae, vraiment créé pour être entonné par les jubilations éperdues des foules, courait, jouait, dans l'ouragan joyeux des orgues qui déracinaient les piliers et soulevaient les nefs.

Et les fêtes carillonnées se suivaient à de plus longs intervalles. A l'Ascension, les cristaux lourds et clairs de saint Ambroise emplissaient d'eau lumineuse le bassin minuscule des chatons; les feux des rubis et des grenats s'allumaient à nouveau avec l'hymne cramoisie et la prose écarlate de la Pentecôte, le Veni creator et le Veni Spiritus. La fête de la Trinité passait, signalée par les quatrains de Grégoire le Grand et pour la fête du saint sacrement, la liturgie pouvait exhiber le plus merveilleux écrin de son douaire, l'office de saint Thomas, le Pange lingua, l'Adoro te, le Sacris Solemniis, le Verbum supernum et surtout le Lauda Sion, ce pur chef-d'oeuvre de la poésie latine et de la scolastique, cette hymne si précise, si lucide dans son abstraction, si ferme dans son verbe rimé autour duquel s'enroule la mélodie la plus enthousiaste, la plus souple peut-être du plain-chant.

Le cercle se déplaçait encore, montrant sur ses différentes faces les vingt-trois à vingt-huit dimanches qui défilent derrière la Pentecôte, les semaines vertes du temps de pèlerinage, et il s'arrêtait à la dernière férie, au dimanche après l'octave de la Toussaint, à la dédicace des églises qu'encensait le Coelestis urbs, de vieilles stances dont les ruines avaient été mal consolidées par les architectes d'Urbain VIII, d'antiques cabochons dont l'eau trouble dormait, ne s'animait qu'en de rares lueurs.

La soudure de la couronne religieuse de l'année liturgique se faisait alors aux messes où l'évangile du dernier dimanche qui suit la Pentecôte, l'évangile selon saint Mathieu répète, ainsi que l'évangile selon saint Luc qui se récite au premier dimanche de l'Avent, les terribles prédictions du Christ sur la désolation des temps, sur la fin annoncée du monde.

En route -1895

JORIS-KARL HUYSMANS

Notes :

(1) Extrait du chapitre VII, Deuxième partie, de En route. Nous avons emprunté le titre à l'ouvrage célèbre de Dom Prosper Guéranger.




El año litúrgico(1)


La Iglesia, erigiendo los reposorios del año litúrgico, obligando a las estaciones a seguir, paso a paso, la vida de Cristo, fue la única que supo trazarnos el plan de las ocupaciones necesarias, de los fines útiles. Nos brindó el medio de caminar siempre al lado de Jesús, de vivir cada día los evangelios; para los cristianos, la Iglesia hizo del tiempo el mensajero de los dolores y el heraldo de las alegrías; al año le confió el rol de servidor del Nuevo Testamento, de ardiente emisario del culto.

Y Durtal reflexionaba en ese ciclo de la liturgia que comienza el primer día del año religioso, en Adviento, que luego gira sobre sí mismo, con movimiento insensible, hasta volver a su punto de partida, en esa época en la que la Iglesia se prepara, con la penitencia y la plegaria, a celebrar la Navidad.

Y, hojeando su devocionario, mirando el círculo inaudito de los oficios, pensaba en esa joya prodigiosa, en esa corona del rey Recesvinto que el museo de Cluny custodia(2).

El año litúrgico, como la corona, ¿no estaba sembrada de cristales y de pedrerías con sus cánticos admirables, con sus fervientes himnos, engastados directamente en el oro de la adoración al Santísimo y de las vísperas?

Parecía que la Iglesia hubiese substituido la corona de espinas con la que los judíos habían ceñido la sienes del Salvador con la corona realmente real del propio del tiempo, la única en ser ciselada en un metal lo suficientemente precioso, con un arte lo suficientemente puro, como para tener la osadía de posarse en la frente de un Dios.

Y la gran Lapidaria había comenzado su obra incrustando en esa diadema de los oficios, el himno de San Ambrosio, y la invocación sacada del Antiguo Testamento, el Rorate coeli, ese canto melancólico de la espera y la añoranza, esa gema brumosa, violácea, cuya transparencia se ilumina cuando, después de cada estrofa, vuelve a surgir la solemne súplica ferviente de los patriarcas que imploran la tan esperada venida de Cristo.

Y los cuatro domingos del Adviento desaparecían al dar vuelta las páginas del devocionario; la noche de la natividad había llegado : después del Jesu redemptor de las vísperas, el antiguo canto portugués, el Adeste fideles, se elevaba, durante la adoración del Santísimo, de todos las bocas. Era una prosa(3) de una ingenuidad realmente encantadora, una imagen antigua en la que desfilaban los pastores y los reyes, con una melodía popular apropiada para las largas caminatas, para servir de ayuda, con su ritmo de pasos casi militar, en los largos trayectos de los fieles para ir de sus habitaciones campesinas hasta las iglesias lejanas de los pueblos.

E, imperceptiblemente, lo mismo que el año, con una rotación invisible, el círculo daba vuelta, se detenía en la Fiesta de los Santos Inocentes en la que se abría, como flores destinadas al matadero, como un ramo de flores arrancadas a un suelo irrigado con la sangre de los corderos, esa roja secuencia del Salvete flores martyrum de Prudencio; —la corona se desplazaba y el himno de la Epifanía, el Crudelis Herodes de Sedulio, hacía su aparición.

Ahora, los domingos planeaban, los domingos violetas en los que no se escucha más que el Gloria in excelsis, en los que se canta el Audi Benigne de San Ambrosio y el Miserere, ese salmo color de ceniza que es, quizás, la más perfecta obra maestra de tristeza que la Iglesia haya sacado del repertorio del canto llano.

Era la Cuaresma cuyas amatistas se apagaban en el gris mojado de los ópalos nobles, en el blanco brumoso de los cuarzos, y la magnífica invocación, el Attende Domine se elevaba bajo los arcos. Sacado, como el Rorate coeli, de textos en prosa del Antiguo Testamento, ese canto humillado, contrito, que enumera las puniciones que merecieron las faltas, se volvía, sino menos doloroso, en todo caso más grave todavía y más urgente, cuando confirmaba y cuando resumía en la estrofa inicial de su estribillo, la confesión ya realizada de la vergüenza.

Y, súbitamente, sobre esa corona estallaba , después de los fuegos fatigados de las Cuaresmas, el escarbunclo en llamas de la Pasión. En el tizne conmovido del cielo, una cruz roja se erigía y exlamaciones de júbilo majestuosas y gritos desconsolados aclamaban el fruto ensangrentado del árbol; y el Vexilla regis volvía a repetirse el domingo siguiente, en la feria(4) de los Ramos que aunaba la prosa de Fortunato al himno verde que la acompaña con un ruido sedoso de ramas, el Gloria, laus et honor de Teodulfo.

Más tarde, los fuegos de las pedrerías chisporroteaban y morían. A las brasas de las gemas las seguían los carbones apagados de las obsidianas, de las piedras negras, destacándose apenas en el oro opaco, sin arrojar un destello de sus engarces; se entraba en la Semana Santa; por todas partes el Pange lingua gloriosi, el Stabat gemían bajo las bóvedas; eran las tinieblas y la lamentación, y los salmos, cuyo toque de muertos hacía vacilar la llama de los cirios de cera gris, y, después de cada pausa, al final de cada salmo, un cirio expiraba y su humo azul se evaporaba en el espacio formado por los arcos, cuando el coro retomaba la serie interrumpida de los lamentos.

Y la corona daba vueltas una vez más aún; las cuentas de ese rosario musical volvían a pasar una tras otra y todo cambiaba. Jesús había resucitado y los cantos de regocijo saltaban de los órganos. El Victimae paschali laudes exultaba antes del evangelio de la misa y, durante la adoración, el O filii et filiae, realmente compuesto para ser entonado por el júbilo ardiente de las multitudes, corría, jugaba, en el huracán alegre de los órganos que arrancaba de cuajo las columnas y el techo de las naves.

Y las fiestas que anuncia el vuelo de campanas venían con más largos intervalos. Para la Ascensión, los cristales pesados y claros de San Ambrosio llenaban de agua luminosa el minúsculo estanque de cada piedra; los fuegos de los rubíes y de los granates se encendían de nuevo con el himno púrpura y la prosa escarlata de Pentecostés, el Veni creator y el Veni Spiritus. La fiesta de la Trinidad pasaba a su vez, señalada por las cuartetas de Gregorio Magno y para la Fiesta del Santísimo Sacramento, la liturgia podía exhibir el más maravilloso de los engastes de su tesoro, el oficio de Santo Tomás, el Pange lingua, el Adoro te, el Sacris Solemniis, el Verbum supernum y sobre todo el Lauda Sion, esa pura obra maestra de la poesía latina y de la escolástica, ese himno tan preciso, tan lúcido en su abstracción, tan firme en sus palabras rimadas alrededor de las cuales da vueltas la más entusiasta melodía, la más flexible, quizás, del canto llano.

El círculo se desplazaba aún, mostrando en diferentes facetas los domingos, entre veintitrés y veintiocho, que desfilan detrás de Pentecostés, las semanas verdes del tiempo de peregrinación, y se detenía en la última feria, en el domingo después de la Octava de Todos los Santos, en la consagración de las iglesias que inciensaba el Coelestis urbs, con las viejas estanzas cuyas ruinas habían sido mal consolidadas por los arquitectos de Urbano VIII, con sus antiguas pedrerías cuyo turbio brillo dormía y se agitaba a veces con escasos reflejos.

El cierre de la corona religiosa del año litúrgico se realizaba entonces con las misas en las que el evangelio del último domingo después de Pentecostés, el evangelio según San Mateo, repite, al igual que el evangelio según San Lucas que se recita el primer domingo de Adviento, las terribles predicciones de Cristo sobre la desolación de los tiempos, sobre el fin anunciado del mundo.


Notas :

(1) Estas páginas, verdadero poema en prosa, forman parte del capítulo VII de la segunda parte de En route. El título que les hemos dado hace referencia a la obra célebre de Dom Prosper Guéranger, monje benedictino de la abadía de Solesmes, muy apreciado por Huysmans, cuya obra de restauración del canto gregoriano en particular y de la liturgia latina en general fue inmensa. Obra que anuncia el Motu proprio Tra le sollecitudine de San Pío X, publicado en 1903.

(2) En 1940, el gobierno francés cedió a España la corona visigoda —corona votiva que el rey Recesvinto donó a la basílica de San Juan Bautista, situada en la actual Venta de Baños—, que se encuentra en la actualidad en el Museo Arqueógico Nacional de Madrid, y que había sido hallada en 1861 en Guarrazar.

(3) Se llama prosa a un himno formado por versos irregulares pero rimados.

(4) Huysmans hace un uso impropio de la palabra feria al aplicarla al Domingo de Ramos, y luego a otros domingos del año litúrgico; en efecto, la Real Academia da la siguiente definición :"En el lenguaje eclesiástico, cualquiera de los días de la semana, excepto el sábado y domingo; p. ej., la segunda feria es el lunes; la tercera, el martes, etc."


Traducción y notas de Miguel Frontán Alfonso



No hay comentarios:

Publicar un comentario

Nota: solo los miembros de este blog pueden publicar comentarios.